mercredi 20 août 2025

Superman

Coincé entre la version iconique et un brin kitch de Richard Donner en 1978 et celle résolument plus sombre du Man of Steel de Zack Snyder en 2013 (nous passerons sur le Superman Returns de Bryan Singer en 2006), James Gunn, récemment promu co-PDG des studios DC avait fort à faire pour livrer sa propre vision du plus célèbre super héros américain et relancer les personnages DC Comics face à un univers Marvel de plus en plus tentaculaire. 
Mais sortir de l’ornière l’un des groupes de super-héros les moins connus et charismatiques de l’écurie Marvel, constitués entre autres d’un raton laveur hargneux et d’un arbre humanoïde au vocabulaire limité n’avait rien d’une sinécure, et pourtant le résultat est à la hauteur du défi, spectaculaire. 
Alors les détracteurs du réalisateur rétifs au ton coloré et décalé des Gardiens de la Galaxie peuvent passer leur chemin car ce Superman cuvée 2025 est du pur James Gunn. Les autres vont se régaler. 
Dés le premier plan le réalisateur donne le ton. Le film s’ouvre sur la première défaite du kryptonien face au Marteau de Boravie et l’introduction de son chien Kypto, aussi joueur qu’incontrôlable. Car malgré ses incroyables pouvoirs, ce Superman est faillible et c’est bien cette propension (toute relative) à échouer qui le rend d’autant plus humain et le détourne du destin imaginé par ses parents biologiques avant la destruction de leur planète. 
Axé sur l’inévitable défense des plus faibles face à des forces contraires aux valeurs humanistes portées par l’homme d’acier (capitalisme, armement, manipulation des masses, désinformation et course effrénée au pouvoir), Superman se démarque avant tout par ce ton unique d’un réalisateur soucieux de nous offrir le spectacle le plus débridé possible tout en respectant à la lettre le cahier des charges de l’iconique défenseur de la veuve et de l’orphelin. 
Truffé de clins d’œil à l’univers DC (l’interview télévisée de Peacemaker), de running gags (le Justice Gang), de personnages secondaires annonçant un univers élargi (Super Girl compétemment déchirée), le nouveau film de James Gunn se démarque pour une galerie de personnages tous plus cool les uns que les autres et parfaitement intégrés au déroulé de l’histoire. 
Si l’interprète de Superman incarne à merveille les valeurs portées par le kryptonien et inculquées par ses parents adoptifs, le héros existe aussi et surtout grâce à deux pôles contraires, une Loïs Lane ultra convaincante et un Lex Luthor des plus crédibles dans son délire de domination mondiale. 
Mais au-delà des piques bien senties assénées par le réalisateur (les haters du web représentés sous forme de singes lobotomisés), le pied de nez ultime pourrait bien être, dans un monde dominé par le cynisme et l’égocentrisme, d’ériger la gentillesse et l’altruisme comme degré ultime d’une attitude punk rock depuis longtemps dévoyée. 
Fun, décomplexé, respectueux et bienveillant, ce Superman pourrait bien être la première pierre d’un édifice solide pour le futur univers DC diablement prometteur.

lundi 18 août 2025

Together

Après dix ans de vie commune, Tim et Millie se questionnent encore sur les liens qui les unissent vraiment. Amour sincère ou simple routine de couple ? Un déménagement à la campagne est sensé leur fournir un nouveau départ, mais quand ils tombent au fond d’une excavation pendant une randonnée en forêt et qu’une force mystérieuse les attirent irrésistiblement l’un vers l’autre, ils comprennent vite que quelque chose ne tourne pas rond, d’autant que le moindre contact physique entraine la fusion de leurs chairs. 
Fort d’un tel postulat de départ, le réalisateur Michael Sanks aurait pu opter pour un comique de situation facilement graveleux (la scène de sexe dans les toilettes de l’école et sa conclusion embarrassante) ou le body horror version Cronenberg avec dégénérescence des corps et mutations improbables (la créature confrontée à Tim dans la grotte). Il choisit une troisième voie, celle de l’analyse d’un couple de trentenaire qui s’éloignent l’un de l’autre sentimentalement alors que leurs corps ne cherchent qu’à se rapprocher. 
Métaphore de l’interdépendance affective ou satyre du combat perpétuel entre la chair et l’intellect, Together invoque tout aussi bien le réjouissant Les Ruines de Carter Smith sorti en 2008 pour son infection organique d’un groupe de randonneurs que les délires d’un Brian Yuzna époque Society et sa fusion des corps. Le fait que les interprètes de Tim et Millie, Dave Franco et Alison Brie, soient ensemble dans la vie ajoute encore au coté introspectif de cette observation d’un couple en pleine crise existentielle. 
En expédiant rapidement les origines du mal qui frappent les malheureux au contact de cette force plus ou moins occulte à grand renfort de secte mystérieuse, Michael Sanks se concentre sur l’intime, celui de ces trentenaires qui ne peuvent vivre l’un sans l’autre sans pour autant s’épanouir dans une relation à sens unique.
La conclusion, radicale et d’une logique sans faille, confirme toutes les qualités d’un long métrage malin et intelligent tout en exploitant les règles du genre avec une modestie qui force le respect.

mardi 12 août 2025

Evanouis

Lorsque tous les enfants de la classe de Justine Gandy disparaissent la même nuit sauf un, les soupçons des parents se portent rapidement sur la professeure jusqu’à l’accuser de sorcellerie. Les regards croisés de six protagonistes étroitement mêlés à ces étranges évènements vont nous permettre de comprendre ce qu’il s’est réellement passé cette fameuse nuit dans cette ville de banlieue américaine tout ce qu’il y a de plus banale. 
Les films basés sur un pitch fort, ici la disparition simultanée et volontaire de dix-sept enfants la même nuit à 2H17 du matin, se révèlent la plupart du temps déceptifs lors de la révélation du dénouement, et si l’on se répète que le voyage reste aussi important que la destination finale, on en ressort avec un sentiment en demi-teinte, déçu de ne pas s’être laissé embarqué jusqu’au bout. Et c’est bien là l’une des forces du dernier film de Zach Cregger déjà remarqué pour son très réussi Barbare en 2022, que de nous offrir une fin tout à fait satisfaisante pour qui accepte l’argument fantastique jusqu’au bout. 
En prenant le parti de multiplier les points de vue sur son histoire par le prisme de personnages représentatifs de la société américaine (la professeure, le policier, l’enfant, le père de famille, le junkie, le directeur de l’école), le réalisateur assemble les pièces d’un puzzle parsemé de séquences tour à tour humoristiques, horrifiques, émouvantes ou franchement glaçantes comme ces apparitions oniriques d’un faciès outrageusement maquillé. 
En témoigne la scène finale qui alterne horreur, gore et burlesque en une poursuite vengeresse à travers un lotissement ravagé par ce tourbillon de violence. Parsemant son film d’indices sur la nature de la menace planant sur la population (le mot parasite inscrit sur le tableau de la salle de classe par exemple), Zach Cregger nous conduit pas à pas [SPOILER] vers le personnage de tante Gladys qui cache de bien lourds secrets et semble directement sortie du court roman Sacrées sorcières de Roald Dahl [FIN DU SPOILER]. 
Evanouis (passons sur la paresse du titre français) tient donc toutes les promesses de son pitch de départ et se démarque haut la main grâce à une réalisation maitrisée, une excellente caractérisation et interprétation des personnages et un respect salutaire du cinéma de genre.

samedi 9 août 2025

Dangerous Animals

Un tueur en série, des requins, une belle surfeuse au passé compliqué. L’animal le plus dangereux n’est peut-être pas celui que l’on croit. 
Fidèle à la réputation du cinéma australien de mêler étroitement nature sauvage et morts à répétition (Razorback et Wolf Creek pour n’en citer que deux représentants), Dangerous Animals délaisse le bush pour les fonds marins et un jeu du chat et de la souris entre un redoutable prédateur et sa proie qui va s’avérer plus coriace que prévue.
S’il ne renouvelle pas le genre à cause de personnages et de situations trop stéréotypées, le nouveau film de Sean Byrne se démarque par un cross over inédit entre deux sous genres à part entière, le tueur en série bien barré et les requins mangeurs d’hommes (et de femmes) et une férocité qui lui confère ce statut particulier des thrillers bien énervés. 
Incarné par un Jai Courtney déjà gratiné en Capitaine Boomerang dans le Suicide Squad de David Ayer, le grand méchant de Dangerous Animals excelle aussi bien dans ses joutes verbales que dans ses accès de violence ou ses délires sadique en cabotinant juste ce qu’il faut pour ne pas se caricaturer lui-même. 
Nerveux, suffisamment fun pour ne pas sombreur dans le sordide ou la violence gratuite et jouant de ses ficelles scénaristiques pour arriver à ses fins (la facilité avec laquelle Moses retrouve sa belle pour la sauver n’a d’autre justification que de fournir une victime supplémentaire à Tucker), Dangerous Animals est le film parfait pour une dose d’hémoglobine estivale avec cependant une question latente à la fin du film : qu’est-il advenu du petit chien ?

samedi 26 juillet 2025

Substitution – Bring her back

Révélés en 2023 avec La main, premier long métrage qui transcendait déjà son statut de film d’horreur pour ado par une hargne et une noirceur atypique dans ce type de production, les frères Philippou creusent leur sillon avec une histoire de possession et une réflexion sur le deuil qui nous emmène vers des contrées jusqu’alors peu explorées. 
Après la mort de leur père, Andy et sa demi-sœur non voyante Piper se voient confier à Laura, une ancienne psychologue pour enfant, endeuillée par le décès de sa propre fille noyée quelques années auparavant et dont le comportement va rapidement dévoiler une personnalité plus complexe qu’elle n’en a l’air. 
Dés les premières images en noir et blanc granuleux d’un rite mystérieux, Michael et Danny Philippou imposent leur vision du film. Dans la droite lignée de La main, les réalisateurs et scénaristes australiens instaurent un climat de violence et de malaise qui ira crescendo, jusqu’à une scène d’automutilation du jeune Oliver qui restera dans les mémoires, et la révélation des véritables intentions de Laura. 
Exploration du phénomène de deuil et véritable film de genre, Substitution n’a pourtant rien d’avenant. Tournant le dos à toute trace d’humour ou l’usage des habituels jumpscares, il laisse ses protagonistes à leur sort et nous place en observateurs presque cliniques des évènements inéluctables et dramatiques qui vont se jouer sous nos yeux. 
En refusant toute explication trop évidente (pas de secte ou de sorcière en vue) et en déroulant son intrigue autour de symboles récurrents, (l’eau, le cercle), le film nous laisse seuls au milieu de cette famille artificiellement recomposée et pourtant en pleine déliquescence, accentuant d’autant le sentiment de malaise mais confiant en notre capacité d’en tirer le meilleur parti possible.

lundi 21 juillet 2025

F1

Ancré dans la grande tradition des films sportifs, F1 en emprunte deux de ses stéréotypes les plus connus. Le Rookie, tête brûlée incroyablement douée mais dont l’inexpérience n’a d’égale que l’arrogance de sa jeunesse, et le Maverick indépendant et non conformiste, star déchue sur le retour en quête d’une hypothétique rédemption. Rien de bien neuf donc, mais comme la dit l’adage c’est dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes et en cela F1 ne déroge pas à la règle. 
En soulignant le parallèle entre l’esprit d’équipe nécessaire au sein d’une écurie de Formule 1 et une galerie de personnages parfaitement esquissés faisant corps autour de leurs pilotes stars, le film de Joseph Kosinski alterne les moments de bravoure attendus avec une émotion bien réelle servie par des interprètes incarnés. 
Si la comparaison avec son précédent To Gun : Maverick est inévitable, et les films entretiennent en effet des thématiques communes, on pourra préférer à la droiture d’un Tom Cruise toujours impeccable le visage fatigué de Brad Pitt qui, s’il occupe indéniablement l’écran à chaque apparition, laisse suffisamment de champ libre à ses partenaires pour bâtir avec eux un divertissement de haute volée. 
Les séquences de courses filmées en caméras embarquées ou en plans larges sont suffisamment spectaculaires pour maintenir une tension constante, cela malgré le caractère un peu trop mécanique d’une intrigue qui avance sur rythme prévisible (défaite, victoire, défaite, victoire, défaite pour mieux accéder à la victoire). 
A la fois spectaculaire et intimiste, F1 nous promène à travers le monde sur les traces des plus grands circuits, nous fait entrer dans le quotidien d’une écurie de haut niveau et nous convie même à des séquences tour à tour émouvantes ou franchement drôles au rythme d’une course à la victoire (sur les autres mais aussi sur soi-même) qui ne nous lâchera pas avant le dénouement final. 
On peut trouver la carrosserie trop clinquante, il n’en reste pas moins un moteur qui rugit à chaque accélération pour notre plus grand plaisir.

samedi 12 juillet 2025

Rapaces

Le personnage du journaliste est, au même titre que le policier, une figure récurrente des intrigues centrées sur une enquête. Mais quand on pense investigation on se projette davantage sur les grands reporters que sur les paparazzis ou les salariés des journaux racoleurs comme Détective.

En adoptant ce point de vue atypique, le réalisateur Peter Dourountzis fait le pari de nous immerger dans des territoires jusque-là peu explorés, celui des rédactions que certains qualifieront de seconde zone, et le monde des cibistes gangrené par des mouvances masculinistes bien peu fréquentables.

Le meurtre sauvage d’une jeune fille dans l’Est de la France est le point de départ d’une enquête qui ne dit pas son nom pour Samuel et sa fille Ava, le reporter aguerri qui passe à coté de sa vie et la jeune stagiaire qui cherche à se rapprocher de son père. Efficace dans la peinture de cette équipe de journalistes complétée par Christian, Solveig et Aubin (les toujours excellents Jean-Pierre Darroussin, Valérie Donzelli et Stephan Crepon), le film prend rapidement des allures de road-movie et embrasse tous les genres sans arriver à consolider le tout.

On passe ainsi des turpitudes amoureuses de Samuel à ses relations avec sa fille, d’une enquête policière sur les traces des assassins au monde des cibistes, et du quotidien d’un journal à la découverte d’une groupuscule d’extrême droite. 

Traversé de séquence vraiment réussies, la scène du restaurant et du piège qui se referme peu à peu sur Ava et Christian fait monter la tension de manière diablement efficace, le film de Peter Dourountzis se résume parfois à une série de vignettes aboutissant à un final rapidement expédié. 

Si tous les personnages sont crédibles et bien servis par une distribution exemplaire, le choix de Mallory Wanecque pour incarner Ava s’avère le moins convaincant et dessert les relations qui auraient pu se nouer entre ce père et sa fille à la recherche l’un de l’autre. 

Atypique dans sa volonté d’explorer des milieux interlopes et pétri de bonnes intentions, Rapaces lorgne du coté de la Nuit du 12 sans parvenir à égaler sa dimension universelle. Il n’en reste pas moins un thriller solide qui présage du meilleur pour la suite.