Peter Jackson est sans conteste l’un des meilleurs réalisateurs en activité, tous genres confondus. Aussi à l’aise dans le gore et le trash (Bad Taste, The Feebles), les plus grosses productions (Fantômes contre Fantômes, King Kong, la trilogie du Seigneur des Anneaux) ou les réalisations plus intimistes (Créatures célestes), il est un incroyable raconteur d’histoire et un créateur inspiré d’univers imaginaires crédibles et originaux.
Chaque film de Peter Jackson est en ce sens un évènement, au même titre qu’une nouvelle création de James Cameron, Guillermo Del Toro ou Sam Raimi. La découverte de Lovely Bones, seconde adaptation d’un roman après le Seigneur des Anneaux, est d’autant plus déconcertante.
On comprend ce qui, dans le sujet, a pu intéresser le réalisateur au point de lui faire adapter le roman. L’histoire raconte comment Susie Salmon, assassinée à l’âge de treize ans par un voisin psychopathe voit depuis l’au-delà les réactions de sa famille, ses amis et le déroulement de l’enquête. Refusant de rejoindre le paradis tant que son assassin n’est pas démasqué, refusant par là même l’oubli de ceux qu’elle aime, elle tente de communiquer avec son père et de le mettre sur la voie de son meurtrier.
La représentation de l’au-delà est par essence un sujet casse gueule. Il est en effet difficile de ne pas sombrer dans l’imagerie catholique primaire ou le ridicule gnan gnan. Il faut tout le talent d’un Peter Jackson pour éviter l’un et l’autre, mais il faut bien avouer que lors des scènes représentant Susie au Ciel, le réalisateur marche sur la corde raide.
Il nous a montré avec Fantômes contre Fantômes qu’il pouvait comme nul autre faire cohabiter le monde des vivants et des fantômes qui n’ont pas trouvé la paix. Créatures célestes, surement l’une de ses plus belles réalisations, nous plongeait dans un univers imaginaire absolument cohérent et complètement en phase avec l’histoire qui transformait un sordide fait divers en une tragique histoire d’amour et d’amitié. On pouvait donc s’attendre à ce que Lovely Bones représente une sorte de synthèse de ce que le réalisateur avait fait de mieux jusqu’à présent. La déception est à la hauteur de l’attente suscitée par le projet.
Outre les représentations de Susie dans l’au-delà dont les images de synthèse sont à mille lieux de la poésie engendrée par les scènes d’animation de Créatures Célestes, le scénario s’étire en longueur au fur et à mesure que l’enquête piétine et que la situation familiale des Salmon se dégrade. Outre le fait qu’il est difficile de se concentrer sur l’histoire en face d’une héroïne qui est le de sosie Sylvie Testud et d’un inspecteur de police qui n’est autre que le Christopher des Sopranos, il faut reconnaitre que le casting n’est pas entièrement en cause dans le manque d’implication du spectateur. La jeune Saoirse Ronan est formidable, Staley Tucci incarne un tueur en série des plus inquiétants dans sa sobriété et Susan Sarandon trouve là un rôle de grand-mère déjantée assez savoureux. Le reste de la famille Salmon est plus contestable dans les choix d’interprétation.
Il est évident que le réalisateur est sincère dans sa démarche et qu’il a dû être sensible à cette histoire qui parle d’absence et de la difficulté de continuer à vivre après la mort d’un proche. Pourquoi alors cette approche maladroite quand il a montré une telle maitrise dans ses précédents films ? Le talent de Peter Jackson refait régulièrement surface tout au long du film, comme par exemple dans la scène du cambriolage de la maison du tueur par la sœur de Susie. Toute la tension du film se concentre sur le bruit que fait cette dernière et par lequel le tueur détecte sa présence. Plus que par la bande son, c’est par une série de gros plans sur les lattes de plancher et un montage alternatif entre Lindsey Salmon et Georges Harvey que le réalisateur nous fait ressentir toute la tension de cette scène exemplaire. De même, la rencontre entre Susie et son bourreau dans la cache souterraine est un exemple de violence contenue et de menace sous jacente filmées avec une économie de moyen remarquable, toutes les émotions passant par les visages et la gestuelles des protagonistes.
Lovely Bones réalisé par toute autre personne que Peter Jackson aurait surement été une catastrophe. En l’état, c’est un rendez vous raté entre un réalisateur surdoué et un sujet qui l’a étouffé. Est-ce l’aspect religieux et sa représentation qui l’ont gêné ?
Souhaitons en tout cas que Peter Jackson reviennent vite à ce qu’il fait de mieux, raconter des histoires fantastiques et nous entrainer dans ses mondes imaginaires.