mardi 16 juillet 2024

Horizon : une saga américaine chapitre 1

Le projet est monumental, raconter en quatre chapitres la naissance de l’Amérique moderne, celle des pionniers et de l’occupation des territoires indiens avec en toile de fond la guerre de Sécession et l’expansion des premières villes surgies de paysages encore vierges de toute modernité. 
Un pari que le scénariste producteur réalisateur et acteur Kevin Costner semble en train de perdre si l’on en croit les mauvais résultats au box-office de cette partie introductive de trois heures et la sortie repoussée du deuxième volet. Et pourtant quel film.
S’il ne cède pas à la facilité des ressorts narratifs propres aux séries télévisuelles avec une exposition parfois très brute de personnages surgis de nulle part et des intrigues qu’il faut saisir en cours de route, le premier chapitre de cette saga américaine reste passionnant et d’une ampleur folle. 
Portée par un casting au cordeau et une écriture qui ne devrait révéler sa puissance qu’au bout des quatre films, Horizon alterne les passages à fleur de peau (le départ des jeunes recrues pour le front) et des moments de bravoure impressionnants dont l’attaque des colons par les Apaches reste le point d’orgue.
Impitoyable avec ses protagonistes et rigoureux dans sa reconstitution historique, le film de Kevin Costner fait souffler un vent épique sur le western vu comme la matrice des Etats-Unis d’Amérique tels que nous les connaissons aujourd’hui. 
Si la multitude des personnages et des intrigues se prêterait naturellement au format d’une série télé (on pense notamment à DeadWood), Kevin Costner fait le pari fou du grand écran. 
Difficile de juger de l’œuvre avant sa conclusion finale dont les dernières images de ce chapitre 1 nous donnent un avant-goût, mais que ce soit par l’ampleur du projet ou le plaisir que l’on prend à parcourir ces grands espaces, on croise les doigts pour que le film trouve enfin son public et permette à son réalisateur de clore une saga qui s’annonce magistrale.

dimanche 14 juillet 2024

Longlegs

 

Une jeune recrue du FBI traumatisée par un drame survenu pendant son enfance doit faire face à un tueur machiavélique et déchiffrer les indices qu’il sème derrière lui. Sur le papier Lonlegs coche toutes les cases pour s’inscrire dans la lignée des meilleurs films d’horreur de ces dernières années. 
On pense bien sûr au Silence des agneaux avant que l’intrigue ne bifurque vers le satanisme et l’ambiance trouble chère à la série True Detective. Hélas Nicolas Cage n’est pas Anthony Hopkins et Oz Perkins n’a pas le talent d’écriture et de mise en scène de Nic Pizzolatto et Cary Joji Fukunaga. 
Porté par une esthétique volontairement datée et des effets de style lourdement appuyés, Longlegs hurle à chaque plan son désir d’apporter sa pierre à l’édifice de cette nouvelle vague fantastique passionnante portée par Ari Aster ou David Robert Mitchell. Et la présence de la toujours impeccable Maika Monroe est d’ailleurs le seul lien tangible avec le formidable It Follows sorti dix ans plus tôt. 
Car malgré quelques effets marquants et des idées de mise en scène intéressantes comme l’apparition progressive du visage du tueur, Longlegs déroule une succession de scènes attendues sans prendre le temps de développer ses personnages auxquels on ne s’attache pas vraiment. 
Trauma et tueur d’enfant, satanisme et enquête du FBI, tout y passe et le réalisateur déroule une liste des passages obligés du film d’horreur faussement vintage et tellement désireux de s’approprier le genre qu’il en oublie le spectateur en chemin. 
Le plan final enfonce le dernier clou du cercueil avec un Nicolas Cage en roue libre tellement ridicule qu’il en devient embarrassant et involontairement parodique. 
On préférera se replonger dans la première saison de True Detective, son interprétation exemplaire et son écriture au cordeau pour écouter le Diable nous murmurer à l’oreille.

mardi 9 juillet 2024

Le Comte de Monte-Cristo

Un millionnaire misanthrope et masqué, une croisade où se mêlent justice et vengeance, la disparition tragique du père et la trahison d’un ami cher. Difficile de croire que Bob Kane ne s’est pas inspiré du personnage d’Alexandre Dumas pour créer son Batman en 1939, car oui le Comte de Monte-Cristo contient en substance tous les éléments fondateurs du super-héros iconique de l’univers DC. 
Et c’est bien cet univers romanesque d’une richesse incroyable que les réalisateurs et scénaristes Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière, déjà responsables de l’adaptation en deux volets des Trois Mousquetaires, sont allés chercher pour cette nouvelle illustration de l’œuvre d’Alexandre Dumas. Une veine qui ne semble pas prête de se tarir si l’on en croit les projets de spin off en cours. 
Si le Comte de Monte-Cristo puise son inspiration dans la culture populaire au sens le plus large du terme, on frôle parfois le fantastique lors des multiples apparitions d’Edmond Dantès et sa propension à se tirer des situations les plus périlleuses, et propose de ce fait une matière encore plus prompte à l’aventure que les Trois Mousquetaires, il faut reconnaitre au duo de réalisateurs un souffle épique et une volonté de spectacle débridé que l’on ne rencontre que rarement dans le cinéma français. 
Ne lésinant pas sur les moyens et le cadre historique parfaitement reconstitué, le Comte de Monte-Cristo s’appuie sur une partition musicale de premier plan et une distribution en parfaite adéquation avec une galerie de personnages aussi nombreux que hauts en couleurs pour servir une intrigue tortueuse à souhait.
Dense sans jamais perdre le spectateur en chemin, tour à tour épique et intimiste, et moins académique que les Trois Mousquetaires, ce nouveau Comte de Monte-Cristo met surtout en lumière une direction d’acteurs exemplaire et un casting de premier plan tout entier au service de son histoire. 
Si le film tire un peu en longueur, trois heures tout de même, on imagine mal comment mieux condenser cette incroyable histoire de vengeance aux multiples ramifications qui met à la portée de tous l’imagination foisonnante d’un romancier trop longtemps sous-estimé.

samedi 6 juillet 2024

Elyas

Elyas est un ancien militaire, membre des Forces Spéciales traumatisé par la guerre. Lorsqu’il revient d’une mission en Afghanistan, il n’est que l’ombre de lui-même, un homme brisé, psychologiquement instable et profondément solitaire. Poussé par un ancien compagnon d’arme il accepte néanmoins de servir de garde du corps à une adolescente et sa mère, richissimes membres d’une famille royale du Moyen-Orient exilée en France. L’enlèvement de Nour va précipiter les choses et réveiller le guerrier qui sommeille en lui. 
Sur le papier Elyas ressemble à s’y méprendre à une énième variation de Man on Fire réalisé vingt ans plus tôt par Tony Scott, lui-même inspiré librement par le film d’Elie Chouraqui de 1987. Et les similitudes entre les deux films sont légion, à commencer par la relation fusionnelle entre l’ancien soldat meurtri et la petite fille trahie par son père. 
Mais là où Florent-Emilio Siri tire son épingle du jeu c’est dans le caractère profondément paranoïaque de son récit. En faisant d’Elyas un homme instable et perturbé sous traitement médical, il instille un doute permanent sur la véracité des évènements se déroulant sous nos yeux. 
Entre complot et folie, Elyas entraine le spectateur dans une course poursuite effrénée qui ne laisse que peu de temps morts et réserve de belles surprises, comme cet affrontement sauvage dans l’espace exigu d’un camping-car, modèle de découpage d’une redoutable efficacité. 
Sans révolutionner les canons du genre, Elyas capitalise sur la présence minérale d’un Roschdy Zem une fois de plus impeccable en ours mutique et une mise en scène qui assume ses ambitions de film d’action tout en laissant la part belle aux émotions de personnages ambigus mais finalement attachants.

lundi 24 juin 2024

Vice Versa 2

En 2015 Pixar ajoutait une pierre de plus à son édifice déjà impressionnant avec cette plongée irrésistible dans la tête de la petite Riley âgée de 11 ans et dont les émotions s’emballent alors que la famille emménage dans une nouvelle ville. L’occasion de faire connaissance avec Joie, Peur, Colère, Tristesse et Dégoût en compétition permanente pour contrôler l’existence d’une petite fille attachante mais un peu perdue. 
En 2024 Riley est devenue adolescente et s’il y a bien un âge où les émotions échappent à toute logique c’est justement la puberté et son cortège de sentiments contradictoires. Le terrain idéal pour une suite attendue mais qui, comme ce fut le cas pour tous les plus grands succès de Pixar (Cars, Les Indestructibles, Monstres et Compagnie et tant d’autres) n’arrivera jamais à atteindre l’émotion du premier opus. 
Après une introduction lourdement explicative pour nous remettre en mémoire les protagonistes historiques, l’histoire débute enfin avec un cadre nouveau. Exit le déménagement pour laisser place à un stage de hockey qui, malgré un contexte plus fourni (l’amitié mise à mal par un changement de lycée) n’en restera pas moins l’intrigue principale d’une histoire un peu trop simpliste du point de vue de Riley. 
Du coté des émotions au contraire c’est la frénésie permanente avec deux fois plus de personnages mais un focus quasi permanent sur Angoisse alors que des sentiments comme Ennui, Envie ou Embarras auraient mérité plus de place. On a un peu l’impression d’assister au même périple que dans le premier opus et de visiter de nouveau des lieux emblématiques comme  la Mémoire à long terme, le Pays de l’Imagination, la Pensée Abstraite, ou la Production des Rêves et, malgré quelques bonnes surprises ce deuxième voyage perd son charme initial. 
Loin d’être ennuyeux ou bâclé, Vice Versa 2 reste un divertissement de haut niveau mais avec un sujet aussi riche, on ne peut s’empêcher de lui préférer Alerte Rouge qui, sur un thème similaire, arrivait à se hisser à un niveau de réflexion plus abouti sans pour autant sacrifier un spectacle de tous les instants.

dimanche 16 juin 2024

Les guetteurs

C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. C’est ce qu’a dû se dire Ishana Shyamalan en se lançant dans la réalisation d’un premier film qui aurait pu, à quelques détails près, être réalisé par son père et dont il reprend les principaux ressorts dramatiques. 
Après un prologue efficace mais déjà vu une bonne dizaine de fois durant lequel un randonneur perdu dans une forêt disparait brutalement sous nos yeux, place au personnage de Mina incarné par Dakota Fanning qui, si elle a bien grandi depuis Man on fire, n’en conserve pas moins une belle présence à l’écran. 
On n’en dira pas autant de son personnage au pathos bien chargé et dont nous découvrirons le secret par une série de flash-back plus ou moins bien amenés. 
Tombée en panne de voiture dans la fameuse forêt, Nina trouve refuge dans une maison isolé habitée par trois autres réfugiés obligés de se mettre en scène tous les soir pour les mystérieux gardiens des lieux.
Après un postulat de départ intriguant et une première partie tout à fait intéressante qui renvoie une fois encore vers la filmographie de papa Shyamalan crédité à la production, le Village en tête, le film bascule ensuite dans une succession de révélations hasardeuses et une sortie de route malheureusement prévisible quand il joue la carte des bons sentiments au profit de la terreur pure. 
Prise de risque minimum donc pour cette première expérience qui, si elle manque singulièrement de personnalité propre n’en demeure pas moins efficace pendant la première heure et présage du meilleur lorsque, à l’image de Jennifer Lynch, Ishana Shyamalan aura réussi à tuer le père pour trouver sa propre voie.

samedi 25 mai 2024

Furiosa

Alors que la jeune Furiosa coule des jours heureux au sein d’une oasis entourée par des hordes de barbares, elle est arrachée à son clan, fait prisonnière, assiste impuissante à la mort de sa mère et grandit au milieu de ses ravisseurs jusqu’à ce qu’elle soit relâchée, devienne une combattante émérite, se venge et passe du statu de walkyrie à celui d’Imperator lors du final de Fury Road dont Furiosa constitue le prequel. 
Si ce scénario fait écho à de lointains souvenirs de cinéphile c’est qu’il est calqué presque trait pour trait sur l’épopée de Conan le barbare écrit et réalisé par John Milius quarante ans plus tôt.
George Miller cimente son film de références multiples, emprunte à son propre panthéon en reproduisant parfois à l’identique les spectaculaires cascades de Fury Road (l’attaque du Porte-Guerre devient un passage obligé depuis Mad Max 2), autant qu’à une imagerie religieuse appuyée lorsque Furiosa quitte à deux reprises le jardin d’Eden (le véritable paradis lorsqu’elle est enfant et le simulacre d’éden lors de l’évasion des concubines d’Immortan Joe) en cueillant un fruit. 
Alors oui, ce nouvel opus de la saga Mad Max tient toutes ses promesses en termes de spectacle total, de cascades chorégraphiées à la seconde près et de personnages iconiques dont la plupart pourraient faire l’objet d’un film à part entière. 
Pourtant, alors que George Miller a pour habitude de nous parachuter en pleine action dés les premières minutes du film, il prend ici le temps d’un long prologue pour poser l’intrigue et les personnages et compose avec Dementus un méchant (trop) bavard et poseur loin du charisme animal tout en menace larvée d’un Immortan Joe dans le précédent opus. 
Si l’énergie est toujours présente, on sent que, contrairement aux précédents épisodes de la saga, Furiosa a tendance à tirer sur la corde et recycler des idées déjà exploitées avec plus de brio. 
Entre de nombreux morceaux de bravoures et les digressions d’un Dementus à la limite du cabotinage, Furiosa aura au moins le mérite de prolonger le frisson de Fury Road qui ne constituait en son temps qu’une version dopée aux stéroïdes et extrêmement jouissive d’un Mad Max 2, à jamais le seul et unique mètre étalon en matière de cinéma post apocalyptique.