dimanche 23 janvier 2022

Nightmare Alley

Sous de faux airs de film noir, le nouveau film de Guillermo del Toro se révèle être un conte cruel et finalement moral sur la manipulation et les faux semblants. Pour la première fois de sa carrière, le réalisateur ne campe pas son histoire sur des éléments fantastiques et n’utilise la patine du surnaturel que pour mieux nous convier dans l’envers du décor, celui d’un cirque itinérant peuplé d’illusionnistes, de monstres, de bourreaux et de victimes plus ou moins consentantes. 

Après une première partie d’introduction fascinante mais qui aurait mérité quelques coupes, l’histoire bascule dans l’univers codifié du film noir personnifié par Cate Blanchett qui surjoue son personnage de femme fatale. On peut lui préférer la galerie épatante de la fête foraine avec ses deux pôles féminins, les formidables Toni Colette et Rooney Mara, sans compter le fidèle Ron Perlman dont la présence est toujours aussi réjouissante.

Illusion et faux semblants donc, que ce soit au travers des tours exhibés par les forains ou de la personnalité trouble du personnage central incarné par Bradley Cooper, que l’on peut au choix ranger dans la catégorie des paumés prisonniers d’un passé trop lourd, des manipulateurs avides d’argent et de pouvoir ou des tueurs en série. 

Plus proche du Freaks de Tod Browning que de l’univers de Raymond Chandler, Nightmare Alley démontre une fois de plus l’amour de Guillermo del Toro pour les films de genre et le talent d’un réalisateur en perpétuel mouvement. 

Si le film souffre d’un manque de rythme dû à une longueur excessive et qu’il ne marque pas le point d’orgue de la filmographie du réalisateur mexicain, il n’en demeure pas moins un spectacle soigné et une réflexion bienvenue sur les dangers de la manipulation (la dernière scène traumatisante des époux Kimball en est une démonstration sans appel) qui s’achève par une pirouette aussi morale que cruelle. Car tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée.

 

dimanche 16 janvier 2022

Scream

En 1996, Scream relançait la vague des films métas, auto référencés et complices avec le spectateur auquel il adresse de multiples clins d’œil. Gimmick scénaristique pour les uns, révolution narrative pour les autres, le film de de Wes Craven avait en son temps divisé critiques et spectateurs tout en assurant un spectacle d’une qualité exemplaire au public. 

Un demi-siècle plus tard, on se demande ce qui est le plus gênant dans ce cinquième volet d’une série qui n’en demandait pas tant, les références appuyées et les appels du pied au spectateur, tellement grossiers qu’ils en deviennent franchement gênants, ou l’indigence d’un scénario et d’une mise en scène n’assurant que le strict minimum en matière de meurtres, rebondissements téléphonés et saillies gores ? 

Reprenant le canevas imaginé à l’origine par Kevin Williamson et Wes Craven, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett invoquent les fantômes du passé (Neve Campbell, Courteney Cox et David Arquette font ce qu’ils peuvent pour garder la tête hors de l’eau) et multiplient les mises en abîme (le film dans le film dans le film) avec si peu de talent que le résultat en devient cynique.

Syndrome d’une époque où le recyclage des séries à succès en vient à supplanter les créations originales, le film méta sonne comme le chant du cygne d’une génération de cinéastes, producteurs et scénaristes qui n’ont d’autres choix que singer leurs prédécesseurs dans l’espoir de raviver une flamme depuis longtemps éteinte. Et ce n’est pas en invoquant Jordan Peele comme le nouveau messie du cinéma fantastique que l’on sortira de l’impasse. 

A l’instar de Matrix Résurrection mais en bien pire, Scream se tire une balle dans le pied en n’arrivant pas à reproduire la magie du premier opus, loin s’en faut. Passons un scénario paresseux, une bande son lourdaude au service des jump scares et une interprétation bien fade, il faut voir Ghostface se retrouver les quatre pattes en l’air à chaque fois qu’une victime se rebiffe (on se croirait dans Scary Movie) ou ces mêmes victimes se relever allégrement avec une balle ou une lame dans le ventre pour mesurer l’ampleur du désastre. 

Un conseil pour les cinéastes désireux de satisfaire les fans de cinéma de genre, plutôt que de leur taper dans le dos à grand coups d’auto citations, essayer de faire de bons films tout simplement.