mardi 26 juillet 2016

American Nightmare 3 : Elections

Voici déjà le troisième opus d’une série reposant sur un pitch simple mais génial : au cœur d’une Amérique gangrénée par la violence, le gouvernement instaure l’impunité générale pour tous les crimes commis au cours d’une seule nuit par an, la nuit de la Purge. Ce qui devait à l’origine canaliser la violence d’une société à la dérive se transforme bientôt en instrument politique visant à nettoyer les villes des classes les plus défavorisées pour asseoir encore davantage la domination des Nouveaux Pères de la Nation. 
Car alors que le premier épisode d’American Nightmare se focalisait sur une famille tentant de survivre à cette fameuse nuit, ce nouvel opus éclate la cellule familiale au niveau d’une ville toute entière, puis d’un pays en pleine campagne présidentielle. Si les ingrédients de base restent les même (ultra violence du citoyen ordinaire qui se transforme en tueur en puissance lorsqu’on lui lâche la bride, survival construit autour d’un groupe d’individus qui tente de rester vivant jusqu’au matin), American Nightmare 3 : Elections gravit un échelon supplémentaire dans le pamphlet en faisant de la Purge une ligne de conduite politique et religieuse. 
Et c’est là que le film prend tout son sens, à la fois divertissement bourrin décomplexé et charge au bulldozer contre une élite sociale qui se travestit dans ses oripeaux nationaliste et religieux pour mieux écraser des pauvres qui n’ont même plus le droit de vivre. Point de message subliminal dans ce film qui se revendique comme une pure série B dans la tradition du genre, avec ses méchants qui roulent outrageusement des yeux, son (anti) héro à peine sympathique à force de serrer les mâchoires et ses seconds rôles qui meurent les uns après les autres. 
Une sympathique série B qui s’assume comme telle donc, néanmoins parsemée de scène réellement effrayantes lorsque le chaos envahit les rues. On se souvient longtemps après être sorti de la salle de cette guillotine noyée dans le brouillard, de cet arbre aux pendus autour duquel dansent des silhouettes fantomatiques, ou encore de ces masques cauchemardesques qui dissimulent peut être votre voisin ou votre meilleur ami venu régler ses comptes. 
Moins abruti qu’il ne le laisse apparaitre au premier abord dans son approche d’une société de classes finalement pas si lointaine, American Nightmare 3 : Elections demeure un film d’action horrifique efficace qui n’en oublie pas pour autant de nous projeter en pleine figure le miroir déformant de nos pulsions les moins avouables.

mardi 5 juillet 2016

Conjuring 2 : le cas Enfield

En 2010 avec Insidious, puis en 2013 avec Conjuring : Les dossiers Warren, James Wan prouve qu’il est l’un des rares réalisateurs à savoir instiller une peur véritable aux spectateurs, l’équivalent d’un Hideo Nakata avec la même propension à graver dans notre esprit des visions cauchemardesques qui ne sont pas prêtes de s’effacer. La tentation de donner suite à Conjuring et d’explorer les dossiers Warren était grande. Bonne nouvelle, cette nouvelle aventure des enquêteurs paranormaux est toujours dirigée par James Wan. Mauvaise nouvelle, ce dernier n’a pas pu résister au piège de la surenchère. 
Précisons dès le départ que Conjuring 2 : le cas Enfield est un bon, voir un très bon film, réalisé avec talent et servi par une galerie d’interprètes de premier ordre. La reconstitution de l’époque, des posters dans la chambre des filles Hodgson aux costumes et matériels utilisés pour enregistrer les phénomènes paranormaux (clin d’œil d’Ed Warren qui s’extasie devant la légèreté et la maniabilité de la caméra qu’il porte sur l’épaule) est parfaite, le contexte social difficile auquel est confrontée la famille Hodgson est retranscrit avec justesse et l’ensemble des protagonistes servent leurs personnages avec une précision qui force le respect. En premier lieu le couple attachant que forment la formidable Vera Farmiga et le non moins juste Patrick Wilson. 
Un couple que ce deuxième épisode nous permet de mieux connaitre et qui ressert encore les liens qui les unissent. Et c’est là toute la force de James Wan que d’aimer ses personnages, de leur conférer une véritable identité qui sert d’autant plus le sujet du film et en renforce l’impact. Car si le thème reste classique (un autre cas de possession démoniaque et de maison hantée), c’est tout autant l’environnement social et familial que les phénomènes paranormaux qui donnent au film sa force.
Bien sûr, on retiendra à la sortie la succession de scènes destinées à faire sursauter le spectateur, appuyées par une musique de circonstance et des visions la plupart du temps réellement traumatisantes. La plupart du temps, car le recours maladroit aux effets numériques pour donner vie au bonhomme tordu cassent le rythme en montrant trop explicitement ne menace qui aurait gagné à rester dans l’ombre. 
En faisant appel un peu trop systématiquement aux jump scare et aux effets sonores, le réalisateur tombe parfois dans une surenchère facile qui au final dessert le film plus qu’il ne le renforce. Il n’en reste pas moins que James Wan ne vend pas son âme au diable avec une dernière scène où il met en scène Ed et Lorraine Warren amoureusement enlacés là ou bien d’autres auraient opté pour un énième effet horrifique. Il en ressort que les personnages deviennent plus intéressants que les fantômes qui les hantent, et c’est là toute la force d’un film certes parfois inégal mais encore largement supérieur à la production actuelle d’épouvante.

Le monde de Dory

La mise en chantier des suites des premiers succès du studio Pixar est toujours un exercice périlleux, non pas en termes de rentabilité (il est toujours plus facile de parier sur une franchise qui a fait ses preuves que de se lancer dans une aventure inédite) mais d’un point de vue artistique. Entre de franches réussites (Toy Story) et des réalisations plus mitigées (Monstres Academy), Pixar, malgré ses récentes déclarations, ne semble pas près de lâcher des filons lucratifs avec en ligne de mire Cars 3, Toy Story 4 et Les Indestructibles 2. 
Le monde de Dory n’est pas une suite à proprement parlé mais un spin off qui reprend donc les aventures d’un personnage secondaire mais au combien attachant du Monde de Nemo, la fameuse Dory et ses problèmes de mémoire immédiate. 
Entre un début touchant qui met en lumière une Dory bébé couvée par ses parents et un final absolument irrésistible qui emprunte au passage la scène finale de Thelma et Louise, force est de constater que le film souffre de quelques faiblesses. 
Le scénario d’abord, qui n’est autre qu’une adaptation à peine masquée des aventures de Nemo avec cette fois une inversion des rôles puisque le petit poisson clown et son père Marin sont les compagnons de voyage d’une Dory qu’ils n’auront de cesse de pourchasser à travers des lieux aussi insolites que périlleux. Le film souffre également du manque de personnages vraiment méchants, à l’instar de la bande de requin du premier épisode. Mise à part une scène assez brève avec une pieuvre impressionnante, les protagonistes affrontent des difficultés liées à leur environnement plutôt qu’un ennemi personnifiant le danger. Et sans méchant digne de ce nom un film apparait souvent comme déséquilibré, à quelques exceptions près (Wall-E) qui font figures de miracles. 
Si quelques scènes trainent un peu en longueur (l’aquarium avec les mains menaçantes des enfants), Le monde de Dory possède cependant une personnalité décalée avec une galerie de personnages tous plus étranges les uns que les autres. Les loups de mer, les oiseaux (qui sont les seuls protagonistes de la saga à ne pas être dotés de parole), Claire Chazal (…), toutes ces entités contribuent à un ton à part, presque surréaliste qui confère au film une lecture à double sens comme c’est souvent le cas chez Pixar. 
Le voyage de Dory, tout comme celui de Nemo, est donc autant un parcours initiatique qu’une véritable quête. Emancipation pour Nemo, prise de conscience et gestion d’un handicap pour Dory, chacun trouve au bout du chemin bien plus que ce qu’il cherchait initialement. Loin des plus récentes réussites du studio (Vice Versa), le monde de Dory n’en reste pas moins un exercice réussi, un film d’animation intelligent et chargé d’émotions, une aventure certes inégale mais au cours de laquelle on ne s’ennuie pas, ce qui est déjà beaucoup.