Faut il abandonner toute velléité de compréhension du scénario et s’abandonner au spectacle du film pour apprécier Tenet, ou au contraire se torturer les méninges pendant deux heures trente pour démêler le passé du futur, le faux du vrai et la vérité du mensonge ? Nul doute qu’une seule vision du nouveau film de Christopher Nolan n’est pas suffisante pour en saisir toute la complexité, et c’est bien là sa richesse et sa limite.
Loin de l’épure de Dunkerque et de la limpide complexité d’Inception, Tenet convoque à la fois tous les thèmes chers au réalisateur (la distorsion temporelle déjà abordée avec Interstellar, l’inversion des lois physiques d’Inception) sans en proposer cette fois ci une lecture suffisamment claire pour ne pas perdre en chemin la plupart des spectateurs qui se contenteront alors d’une mise en scène virtuose, de scènes d’actions d’autant plus spectaculaires qu’elles font appel à peu de plans numériques, et d’une interprétation au cordeau avec une mention spéciale pour un Robert Pattinson qui bouffe l’écran à chaque apparition et un Kenneth Branagh délicieusement abject.
Pour un blockbuster sensé ramener les gens en salles, Tenet se révèle particulièrement difficile à suivre malgré ses grandes qualités formelles, d’autant que l’on pourra aussi s’interroger sur l’obsession du Protagoniste incarné par John David Washington à sauver la femme du méchant Sator, au point d’en devenir presque aussi importante que la quête de l’algorithme et le désamorçage d’une éradication complète de l’humanité, excusez du peu. Si le personnage de Katherine devient peu à peu l’une des pièces du puzzle, elle n’en reste pas moins dans son rôle de demoiselle en détresse assez incongrue au sein d’une intrigue d’une telle ambition.
Tour de force visuel et réflexion sur notre futur, Tenet prétend emmener le spectateur vers des zones inexplorées en conciliant divertissement et questionnement permanent sur ce que l’on est en train de voir. C’est louable et réjouissant, encore faut il ne pas perdre tout le monde en route au risque de s’enfermer dans un carcan élitiste et finalement contre-productif.