samedi 13 septembre 2025

Sirat

Des corps en mouvement au son d’une musique techno, l’étendu désertique du désert marocain avec pour seul horizon un mur d’enceintes. Et puis de cette masse extatique émergent des corps et des visages atypiques. 
La caméra capte la vibration des basses et suit ces personnages que nous ne lâcherons plus. Louis accompagné par son fils Estéban et cette communauté de teufers qui va les accueillir bien malgré eux. Bigui, Stef, Josh, Tonin et Jade, tous embarqués dans une fuite en avant, un voyage sans retour possible aux confins d’un monde au bord du précipice, une dernière danse pour se sentir vivant avant le grand saut vers l’inconnu. 
Car au-delà de sa volonté évidente de capter l’insaisissable, la musique, la vibration des corps et cette volonté désespérée d’exister une dernière fois, Sirat ne parle de rien d’autre que d’une fuite devant une guerre généralisée qui ne sera jamais nommée, une société où les cabossés et les infirmes n’ont pas leur place, et où l’être aimé manquera toujours à l’appel. Et même si l’on danse, on fume, on boit et on s’aime, la fête a un goût de cendre et laissera bientôt place à la douleur et à la mort. 
Le film bascule brutalement lors d’une scène traumatisante pour ne plus jamais lâcher le spectateur et maintenir une tension qui ramène au mythique Sorcerer de William Friedkin. Et ce n’est pas le seul point commun entre le film d’Olivier Laxe et le remake du salaire de la peur. 
Au-delà d’une similarité évidente, un convoi de camions confrontés à une nature hostile sur un parcours semé d’embûches, Sirat et Sorcerer partagent également une morbidité et une tragédie de fin du monde qui en font des œuvres aussi marquantes qu’inclassables. 
Bien qu’imperceptible, la mort demeure omniprésente dés les premières scènes du film avec ces corps aux mouvements saccadés et mécaniques et cet homme en quête de son enfant dont nous ne percevrons qu’une série de photos, véritable Orphée traversant les Enfers et ne comprenant que bien tard le prix à payer pour sa quête. 
Sirat se vit et se ressent pleinement une fois le film terminé, quand les images refont surface et que l’on se demande si l’on vient d’assister à une ode à la vie envers et contre tout ou au contraire au chant du cygne d’une humanité acculée dans ses derniers retranchements. Quoiqu’il en soit on n’en ressort pas indemne.

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