jeudi 28 novembre 2013

Les Garçons et Guillaume, à table !

C’est l’histoire d’un garçon qui pensait être une fille. C’est l’histoire d’un amour fusionnel entre un garçon qui tarde à grandir et sa mère. Les Garçons et Guillaume, à table !, transposition cinématographique de la pièce de théâtre de Guillaume Gallienne, c’est un peu tout ça et bien plus encore. Car outre le fait que nous avons tous une mère, le film aborde tellement de sujets de société, brasse tellement de thèmes psychologiques qu’il en devient forcement universel. Quel que soit notre environnement familial ou notre rang social, Les Garçons et Guillaume, à table ! a l’intelligence de parler à tout le monde grâce à la justesse de ses propos, des dialogues savoureux, une interprétation au cordeau et surtout un humour à la fois direct et élégant qui atteint sa cible à chaque répartie. Et c’est bien là toute la finesse de Guillaume Gallienne, tellement omniprésent qu’il aurait pu sombrer dans le nombrilisme ou la schizophrénie, de nous prendre par la main pour nous faire faire un tour dans son univers si particulier. Car cette famille, cet environnement qui semble trop exagéré pour être vrai, nous le voyons à travers les yeux d’un petit garçon qui tarde à s’émanciper, amoureux transit de sa mère et trop sensible pour être à l’aise dans une société qui a décidé pour lui quelle devait être sa place. Que ce soit le personnage du père ou les institutions (l’école, l’armée), il n’aura de cesse de se battre pour exister tel qu’il se voit. Avant de découvrir que cette image tant idolâtrée n’est peut-être pas la bonne. Que tel un miroir déformant, sa mère lui a renvoyé non pas son propre reflet, mais celui qu’elle voulait voir. Entre temps, le spectateur se sera délecté des épisodes tragico comiques, réels ou fantasmés, peu importe, qui constituèrent la vie du réalisateur interprète. Apportant un soin tout particulier à sa bande son, donnant vie à sa mère d’une manière complètement bluffante, Guillaume Gallienne signe peut être la comédie de l’année qui est en train de prendre la tête du box-office, et ce n’est que justice.

samedi 16 novembre 2013

Cartel

Première collaboration entre Ridley Scott et Cormac McCarthy, Cartel est un film choral qui s’inscrit dans la droite ligne des précédents longs métrages du réalisateur, tout en représentant une expérience nouvelle d’un point de vue scénaristique. Si le film n’est pas exempt de défauts qui pourront en agacer plus d’un, le résultat est sans conteste une belle réussite due à une alchimie savamment orchestrée entre plusieurs facteurs. Le premier d’entre eux est la réalisation toujours aussi léchée d’un réalisateur qui apporte le plus grand soin à ses images. Qu’il filme un couple amoureux ou un camion rempli de merde, l’image est toujours aussi élégante et la photographie étudiée. On retrouve une fois encore l’esthétisme de cet ancien publicitaire pour qui l’essence de l’histoire passe avant tout par les images. On aime ou pas, mais force est de constater que Ridley Scott est aussi à l’aise pour filmer les échanges amoureux de ses protagonistes, de longues scènes de dialogues que des scènes de fusillades ou de poursuites tout simplement scotchantes. Quand les personnages de Brad Pitt ou de Michael Fassbender marchent dans la rue en se sachant menacés, la caméra se détache régulièrement d’eux pour suivre un passant, un joggeur ou un vendeur de rue qui pourraient être autant de tueurs potentiels, et le sentiment de paranoïa qui en résulte fonctionne parfaitement. 
Au service de cette réalisation au cordeau, un casting irréprochable et une direction d’acteurs qui ne l’est pas moins. Pour ne citer qu’eux, Cruz, Fassbender, Bardem, Pitt ou Diaz sous tout simplement impressionnants, composant des personnages en proie aux pires turpitudes, prêts à tout pour faire grossir leur part du gâteau en essayant de rester en vie. Cartel nous convie à des confrontations et des numéros d’acteurs qui justifient à eux seuls la vision du film. 
Ce plaisir est aussi dû en grande partie à la présence de Cormac McCarthy dans l’équipe du film. Si l’écrivain ne convainc qu’à moitié avec un scénario souvent assez obscur et difficile à suivre, son talent prend sa pleine mesure avec des dialogues permettant aux interprètes de donner le meilleur d’eux même. L’histoire de détournement de drogue n’est qu’un prétexte pour mettre en scène une descente aux enfers d’une noirceur peu commune. Le danger est continuellement sous-jacent, souligné par une musique parfois un peu trop appuyée, mais conférant au film une atmosphère de plus en plus étouffante, jusqu’à un final nihiliste en parfaite cohérence avec les évènements qui nous ont conduits là. 
Plus qu’un état des lieux du trafic de drogue entre le Mexique et les États Unis, Cartel se veut une tragique comédie humaine, un étalage de tout ce que l’homme, ou la femme, peut compter comme péchés. Cupidité, mensonge, meurtre, trahison, terrorisme psychologique, tout y passe. Réalisateur, scénariste et acteurs mettent leur talent en commun pour un voyage somme toute assez commun au bout de l’enfer. 
Si l’on met de côté une certaine misogynie et un côté un peu poseur, Cartel nous réserve son lot de scènes incroyables, des personnages bien écrits et magistralement interprétés, des dialogues savoureux et une violence, le plus souvent racontée que montrée, elle en est d’autant plus traumatisante, qui témoigne de tout ce que l’être humain peut faire pour satisfaire ses plus bas instincts et conserver sa part de pouvoir ou sa place dans la société. Une alchimie qui fonctionne parfaitement pour un film qui sera réévalué avec le temps.

dimanche 10 novembre 2013

Snowpiercer

Drôle de projet que ce Snowpiercer, adaptation d’une bande dessinée française par un réalisateur sud coréen avec une distribution internationale. Pourtant, le choix Bong Joon Ho est parfaitement cohérent avec le matériau d’origine. Le réalisateur a prouvé, avec Host entre autre, qu’il savait marier divertissement pur et chronique sociale, qu’il maitrisait parfaitement la construction des scènes de catastrophe, et qu’il portait un intérêt tout particulier à ses personnages. Snowpiercer, le Transperceneige en français, met donc en scène une planète Terre dévastée par une nouvelle ère glaciaire. Les quelques survivants ont embarqué à bord d’un train ultra moderne qui roule sans jamais s’arrêter, faute de quoi ses passagers seraient voués à une mort certaine. A l’intérieur de cette arche de Noé moderne, la hiérarchie sociale est très stricte. Ceux qui ont embarqués avec un billet de première ou deuxième classe vivent à l’avant du train dans le luxe et l’oisiveté. Les autres sont cantonnés dans les wagons de queue et survivent sous le joug et selon le bon vouloir des classes supérieures. Mais la révolte gronde, et bientôt un groupe de rebelles se met en tête de remonter les wagons un à un jusqu’à la machine de tête où se terre Wilford, le concepteur du train. 
Le réalisateur aurait pu choisir une voie mystique pour raconter son histoire, multipliant les allégories religieuses tant le sujet s’y prêtait. Au contraire, il prend le parti d’ancrer son récit dans des considérations très terre à terre. Contrairement aux écrits bibliques, ce n’est pas pour fuir la colère divine que les survivants de l’apocalypse se sont réfugiés dans le train, mais pour échapper aux conséquences désastreuses des expériences ratées de quelques scientifiques qui pensaient pouvoir arrêter le réchauffement climatique, lui-même causé par l’activité humaine. Et à la différence de l’Arche de Noé, ce ne sont pas (seulement) des élus qui montent à bord du train, mais ceux qui ont réussi à survivre. Le thème de la sélection, naturelle ou artificielle, sera d’ailleurs au cœur des révélations du film. Enfin, le mystérieux personnage de Wilford, considéré comme un dieu vivant par nombre de ses passagers, est vite démystifié et se révèle au final un redoutable manipulateur plutôt qu’un guide spirituel. 
Mais s’il préfère à juste titre s’intéresser aux ressorts sociologiques plutôt que mystiques de son histoire (la métaphore des pauvres remontant les wagons du train comme ils graviraient de force les échelons pour accéder à un statut social supérieure est d’ailleurs évidente), Bong Joon Ho n’en oublie pas pour autant de dérouler un film captivant et surprenant à plus d’un titre. 
Convoquant un casting hétérogène, il s’entoure d’interprètes à l’unisson, tous parfaits dans leurs rôles. Si les personnages campés par Ed Harris, John Hurt et Song Kand-Ho collent parfaitement aux acteurs, nous retrouvons avec plaisir Chris Evans, Tilda Swinton ou Jamie Bell dans des compositions où on ne les attendait pas forcement. 
Maitrisant comme à son habitude sa réalisation de bout en bout, Bong Joon Ho nous offre une succession de scènes aussi surprenantes que réjouissantes au fur et à mesure que nous remontons le train en compagnie des rebelles. Citons parmi elles la séquence tout simplement incroyable du cours d’école suivie de la scène des œufs, ou encore la confrontation des héros avec des dizaines de tueurs cagoulés armés de haches. Jouant avec les ruptures de rythmes, alternant accès de violence et séquence humoristique, le réalisateur réussit le pari de nous prendre à chaque fois à contrepied sans nous perdre une seule seconde. 
Si la scène finale du film apporte un peu de lumière, le propos reste d’un cynisme et d’une noirceur que l’on avait perdu l’habitude de voir dans un film d’anticipation ces dix dernières années. Snowpiercer renoue donc avec la grande tradition des films qui allient grand spectacle et propos politiques (au sens premier du terme), qui offre au spectateur un divertissement de haute volée sans forcément le caresser dans le sens du poil. Cela devient rare et ça n’en est que meilleur.

mercredi 30 octobre 2013

Gravity


Gravity donc. Unanimement encensé par la critique tant du point de vue formel que scénaristique, force est de constater que la nouvelle montagne d’Alfonso Cuaron n’accouche pas d’une souris. Car oui, Gravity est bien un film évènement, un tournant technique autant qu’une histoire profondément humaine. Dés le début, nous sommes plongés dans le vide à plusieurs milliers de kilomètres au dessus de la Terre en compagnie du docteur Ryan Stone et de l’astronaute Matt Kowalsky. La caméra nous immerge dans un environnement encore jamais appréhendé de cette façon au cinéma, un espace où le bas et le haut n’ont aucune signification, où les sons sont inexistants. Un monde aussi beau que dangereux pour l’homme. Suite à un accident, les deux scientifiques se retrouvent séparés de leur capsule. Commence alors une longue lutte pour la survie, un voyage physique et spirituel dont ils ne reviendront pas indemnes. Et c’est là la grande force du réalisateur que de ne pas se cantonner à un spectacle déjà incroyable, magnifié par une 3D pour une fois utilisée à bon escient.
Car depuis le sous estimé Les fils de l’homme, Alfonso Cuaron ne cesse d’explorer les méandres de la condition humaine, et les thèmes abordés ici sont directement connectés à son premier long métrage. Le sacrifice bien sur, mais aussi l’espoir, le deuil, la place de l’homme dans l’univers, le combat pour la vie. En centrant son histoire autour de deux acteurs, Cuaron évite toute dispersion et se sombre jamais dans la facilité.
(SPOILERS) Témoin cette scène où dans la plupart des films actuels Sandra Bullock serait partie à la recherche de son compagnon pour aboutir à une happy end programmée. Dans Gravity, les personnages n’agissent pas en fonction d’un scénario invraisemblable brossant le spectateur dans le sens du poil, mais de manière réaliste, et donc forcement déchirante. Le réalisateur se joue d’ailleurs de ces artifices en faisant revenir Georges Clooney dans une scène surréaliste qui nous fait craindre l’espace de quelques secondes qu’il ne tombe dans le piège de l’invraisemblance au service du politiquement correct. Heureusement, nous nous réveillons en même temps que Sandra Bullock pour constater que tout ceci n’était qu’un rêve. (fin des SPOLERS).
Porté par un Georges Clooney plus cool que jamais et par une Sandra Bullock qui prouve après Collision qu’elle vaut bien mieux que les comédies alimentaires dans lesquelles elle officie depuis plusieurs années, le film ne nous lâche pas une seule seconde. Alternant plans fixes et vues subjectives, Alfonso Cuaron fait preuve du même brio qui faisait déjà des Fils de l’homme un film immense (voir le plan séquence du début ou la scène de la poursuite en voiture). Mais la vraie force de Gravity, outre le spectacle hallucinant d’un voyage dans l’espace criant de vérité, reste encore une fois dans les thèmes qu’il aborde.
Car le film ne raconte rien d’autre que la renaissance d’une femme qui a vécu ce qui pouvait lui arriver de pire, la perte de son enfant. Les épreuves qu’elle traverse la changeront à jamais et feront d’elle une autre personne, plus forte, plus apaisée aussi. Et cela, le réalisateur le montre par petites touches. Lâchée dans le vide, Ryan Stone erre dans le néant jusqu’à ce qu’elle arrive à rejoindre sa capsule. Elle quitte alors sa combinaison et se love en position fœtal en apesanteur lors d’une scène d’une sensualité inouïe.
(SPOILERS) Quand elle atterrit enfin sur Terre et qu’elle émerge de l’eau, assimilée au liquide amniotique, nous assistons à une seconde naissance. Et puis la voilà qui rejoint la terre ferme, elle se met péniblement debout et elle réapprend à marcher comme un enfant fait ses premiers pas. La voilà libre à nouveau, débarrassée de ses peurs qui l’empêchaient de vivre et qu’elle a laissé là haut (fin des SPOLERS).
Tout cela, Alfonso Cuaron nous le montre sans démonstration ostentatoire. Il nous parle de la nature humaine sans grossir le trait ni prendre de pause, à la différence d’un Terrence Malick empêtré dans un cinéma mystico contemplatif depuis La ligne rouge. C’est sans aucun doute la marque des grands réalisateurs.

samedi 19 octobre 2013

9 mois ferme


Si Albert Dupontel est loin de faire l’unanimité depuis ses débuts à la réalisation, on ne peut pas lui reprocher de manquer d’intégrité et de cohérence tout au long de sa (courte) filmographie. Depuis Bernie, il se plait à mettre en scène et interpréter des marginaux, des asociaux, ces gens que la société rejette et qu’elle fait tout pour ne pas voir. Il en résulte à chaque fois un joyeux bordel, fruit de la confrontation entre ces héros hors normes et un ordre établi. Avec 9 mois ferme, Dupontel déplace son sujet vers un autre terrain. S’il incarne toujours un repris de justice qui n’a que faire des lois, celui-ci n’entre pas en guerre contre le système. Au contraire, un concours de circonstances qui va lui faire croiser le chemin, et bien plus, d’une juge célibataire endurcie va l’amener à entrer de plein pied dans sa vie et le confronter à ses responsabilités. De plus, le personnage de Bob qu’il incarne ici n’est plus vraiment au centre de l’intrigue comme c’était le cas auparavant. La véritable héroïne de l’histoire est bien la juge Ariane Felder, brillamment portée par une Sandrine Kiberlain qui oscille constamment entre rigidité et fragilité.
Mais s’il est une chose qui ne change pas, c’est bien l’utilisation de la caméra comme un outil à part entière du langage cinématographique. Après un générique virevoltant en plan séquence, le réalisateur nous plonge directement dans les arcanes de la magistrature en nous faisant croiser des personnages caricaturaux mais surs de leur bon droit.
S’ensuivent une heure trente de scènes aussi drôles qu’émouvantes, portées par des acteurs qui s’en donnent à cœur joie et une série de caméos absolument irrésistibles. De Jean Dujardin à Terry Gilliam en passant par Jan Kounen, Gaspard Noé et les inévitables Yolande Moreau et Boulli Lanners, c’est à un vrai festival de gueules hors du commun que nous convie un directeur d’acteurs que l’on sent omniprésent et impliqué dans son projet.
Loin de toute démonstration ostentatoire, Dupontel alterne les moments de grâce (ce plan qui s’élève au dessus de Sandrine Kiberlain pour se terminer sur le bébé qui grandit dans son ventre), les scènes franchement comiques (le running gag avec le juge de Bernard qui n’arrête pas de se prendre des coups, la plaidoirie de maitre Tolos, le témoignage des vieilles à la télévision,…) et des séquences où l’émotion est à fleur de peau.
Moins frontal que Bernie, introspectif que Le créateur et cartoonesque que Enfermé dehors, 9 neuf mois ferme est une nouvelle pierre aussi solide que les autres dans l’œuvre d’un homme qui a su rester libre.

dimanche 13 octobre 2013

Machete Kills


L’une des principales forces de Robert Rodriguez, tout comme pour son pote Tarantino (tout au moins à ses débuts) est de créer des personnages hors normes, frôlant la caricature mais toujours suffisamment écrits pour que l’on y croit. A la différence d’un Eli Roth qui lui met en scène des personnes normales confrontés à des situations extraordinaires (Cabin Fever, Hostel,…), Rodriguez mise tout sur ses personnages, sans pour autant sombrer dans le syndrome Expendables qui consiste à partir d’un pitch simpliste, réunir un casting de folie et s’arrêter là. Machete représente la quintessence de ce système. Le premier opus partait d’une fausse bande annonce réalisée à l’occasion de la sortie de Boulevard de la Mort et Planète Terreur, et mettant en scène l’éternel second couteau Danny Trejo dans un rôle taillé sur mesure et inspiré de ses performances antérieures (Desperado en tête). Devant le succès du film, le réalisateur imagine une trilogie dont il nous livre ici le deuxième opus. Le risque était grand de le voir partir en roue libre, s’appuyant principalement sur son casting hors norme et ses personnages déjantés. Heureusement, Machete Kills nous réserve une excellente surprise.
Après la bande annonce jouissive du troisième épisode qui verra Machete partir dans l’espace comme Jason et James Bond avant lui, le film démarre sur les chapeaux de roues et, fidèle à son esprit pulp et politiquement incorrect, nous livre une succession de morceaux de bravoure ne laissant pas souffler le spectateur une seule seconde.
Si Danny Trejo n’est toujours pas en lice pour l’oscar du meilleur acteur, le film déroule un casting de dingue où chacun semble s’amuser comme un fou. A part quelques caméos discutables (l’apparition people de Lady Gaga, franchement pas convaincante), tous sont au diapason de cette aventure où le second degré côtoie les scènes gores et les séquences d’action les plus débridées. La palme revient sans discuter à Demian Bichir qui l’espace de quelques scènes vole la vedette à Danny Trejo avec son personnage à double face de Che Guevara mexicain / chef de cartel psychopathe, et à la belle Amber Heard qui semble prendre un plaisir fou à jouer son rôle de Miss San Antonio agent double ou triple, on ne sait plus très bien.
Car l’une des constantes de Machete, ce sont les traitrises, les revirements de situation et les méchants improbables, élément essentiel des films de séries B. Maitrisant son sujet sur le bout des doigts, Robert Rodriguez ne tombe pas dans le piège de Prédators (un sujet en or plombé par un casting -décalé et un scénario minable) et nous propose une heure trente de revival des années 70-80, époque où les films d’action n’avaient pas forcement besoin d’un contexte social ou d’un message politique pour exister. On attend la suite avec délice.

vendredi 11 octobre 2013

Prisoners


La réussite magistrale de Prisoners et sa propension à tenir le spectateur en haleine pendant deux heures trente tient dans une alchimie subtile, ce peu de choses qui font d’un film un édifice fragile propre à s’écrouler au moindre faux pas ou au contraire à s’élever à des hauteurs vertigineuses. Le scénario d’abord, construit comme un ensemble de poupées russes dont chaque histoire s’imbrique dans la suivante pour au final former un tout cohérent et redoutablement efficace. Prisoners dresse le portrait d’une Amérique rurale où les valeurs religieuses et familiales côtoient les pires perversions et le droit inaliénable à se protéger, voire à se faire sa propre justice. Avec ses personnages fouillés et profondément humains, jusque dans leurs pires travers, le film nous prend à la gorge pour le plus nous lâcher jusqu’au dénouement final. S’il ne va pas au bout de sa logique de dénonciation et opte pour quelques facilités (Keller, le père d’Anna n’a peu être pas tout à fait tort), le film ne sombre pas pour autant dans le manichéisme facile qui lui tendait les bras. La distribution est aussi un élément capital du le film.
Si Hugh Jackman incarne avec brio un père meurtri et déboussolé, c’est à coup sur Jake Gyllenhaal qui livre la plus belle partition. Avec une sobriété impressionnante, il campe un personnage de flic solitaire dont nous ne connaissons ni le passé ni la vie quotidienne. Pourtant, avec quelques détails qui pourraient être insignifiants (ses tics, ses tatouages, une allumette dans la bouche), l’acteur nous invite à imaginer les années qui l’ont conduites à cette enquête. On devine le gamin des rues qui passe de refuge en familles d’accueil, l’adolescent délinquant, l’ancien junky et l’adulte solitaire dont le travail est le seul refuge.
Filmant ses personnages au plus prés pour ne plus les lâcher, Denis Villeneuve réussit l’exploit de nous livrer un thriller implacable doublé d’un drame humain qui lorgne du coté de Mystic River. Avec son ambiance hivernale et ses personnages borderline, ses intrigues à répétition et une mise en scène parfaitement maitrisée, Prisoners constitue l’une de ces belles surprises que l’on n’attendait plus et qui participe à la magie du cinéma.