samedi 18 octobre 2025

Chien 51

Un Paris futuriste et grisâtre divisé en zones selon les classes sociales de ses habitants, une présence policière oppressante secondée par une intelligence artificielle omniprésente, des drones meurtriers au service d’une justice expéditive, des flics désabusés au passé trouble. 
Tous les ingrédients d’une SF dépressive et inquiète sont au rendez-vous du nouveau film de Cédric Jimenez adapté du roman éponyme de Laurent Gaudé. Et conformément à l’adage voulant que c’est dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes, le réalisateur convoque ses grands classiques pour un projet d’une ampleur inédite dans le cinéma français. 
Un paysage urbain noyé de pluie (coucou Blade Runner), une technologie avant-gardiste au service du maintien de l’ordre (coucou Minority Report), on pourrait dérouler la liste des références incontournables du cinéma de science-fiction jusqu’à en oublier le projet d’origine. 
Car si Chien 51 se révèle un solide thriller d’anticipation paranoïaque, il reste évident que Cédric Jimenez demeure plus à l’aise dans les scènes d’action, par ailleurs parfaitement orchestrées, que dans les interactions entre les personnages souvent traitées au lance pierre. 
Porté par une distribution de luxe visiblement très impliquée dans le projet, Chien 51 souffre paradoxalement d’une certaine froideur et d’un manque de sensibilité autour de protagonistes qui auraient pour la plupart mérités plus d’épaisseur. 
Si le film ne marquera pas d’une pierre blanche l’histoire de la SF, Chien 51 reste un film d’action efficace resserré sur une intrigue minimaliste, la reconstitution convaincante d’un Paris anxiogène où les différences de classes se matérialisent par des quartiers aux accès verrouillés et une réflexion supplémentaire, et peut-être prophétique, des dérives d’une technologie hors de tout contrôle.

samedi 4 octobre 2025

Marche ou crève

Marche ou crève est l’un, sinon le premier roman écrit par Stephen King dont la parution prendra plus de 10 ans sous le pseudonyme de Richard Bachman. 
Hanté par le souvenir des générations de jeunes américains disparus pendant la guerre du Viêt-Nam, l’histoire partage de nombreux points communs avec la saga Hunger Games dont, hasard ou coïncidence, le réalisateur Francis Lawrence a adapté au cinéma l’ensemble des épisodes depuis le deuxième opus. 
Parmi ces convergences, une Amérique dystopique et fascisante en proie à une crise tellement profonde qu’elle choisit de sacrifier chaque année une partie de sa jeunesse lors d’un jeu à l’issue fatale sensé aider la population à retrouver le goût du devoir envers la Nation. 
Mais alors qu’Hunger Games prenait rapidement une dimension politique au-delà de l’arène où s’affrontent les jeunes combattants dans une lutte à mort, Marche ou crève se cantonne à un principe aussi simple qu’efficace : une marche, cinquante participants encadrés par l’armée, pas de ligne d’arrivée, le gagnant est celui qui reste debout, les autres sont exécutés sans autre forme de procès. 
En choisissant d’illustrer le roman sans développer d’inutiles intrigues secondaires et de coller au plus prés des marcheurs, à l’exception de quelques flash-backs expliquant les motivations de Raymond Garraty, Francis Lawrence opte pour une épure qui aurait pu exacerber la noirceur de son film et en faire l’un de ces diamants noirs qui hantent longtemps les esprits. 
Mais alors que le réalisateur expose une violence frontale sans concession lors des mises à mort et filme de manière presque documentaire la fatigue des corps (crampes, diarrhées, fractures de fatigue, crise d’épilepsie, épuisement extrême avec à chaque fois la même issue), il met également en scène une joyeuse troupe de copains au sein de laquelle se nouent des amitiés alors que chaque participants représente pour les autres un obstacle supplémentaire vers la victoire et un risque accru de mort. 
On a alors l‘impression de suivre une troupe de scouts pétris de bons sentiments, à l’exception du méchant de service et de quelques profils un peu louches, dont les deux principaux protagonistes conservent une forme étonnante après plus de 500 kilomètres parcourus alors qu’autour d’eux les concurrents zombifiés tombent les uns après les autres. Il en ressort un sentiment bizarre, entre souffrance et sentimentalisme, violence crue et amitié virile à tendance gay, et ce n’est pas le cabotinage d’un Mark Hamill constamment dissimulé derrière ses lunettes teintées qui vient crédibiliser l’ensemble. 
Marche ou crève navigue entre deux eaux, tour à tour battle royal hard boiled et hymne maladroit à l’entraide. On aurait aimé qu’il choisisse son camp une bonne fois pour toute et laisse sa sensiblerie maladroite sur le bord du chemin.