samedi 26 juillet 2025

Substitution – Bring her back

Révélés en 2023 avec La main, premier long métrage qui transcendait déjà son statut de film d’horreur pour ado par une hargne et une noirceur atypique dans ce type de production, les frères Philippou creusent leur sillon avec une histoire de possession et une réflexion sur le deuil qui nous emmène vers des contrées jusqu’alors peu explorées. 
Après la mort de leur père, Andy et sa demi-sœur non voyante Piper se voient confier à Laura, une ancienne psychologue pour enfant, endeuillée par le décès de sa propre fille noyée quelques années auparavant et dont le comportement va rapidement dévoiler une personnalité plus complexe qu’elle n’en a l’air. 
Dés les premières images en noir et blanc granuleux d’un rite mystérieux, Michael et Danny Philippou imposent leur vision du film. Dans la droite lignée de La main, les réalisateurs et scénaristes australiens instaurent un climat de violence et de malaise qui ira crescendo, jusqu’à une scène d’automutilation du jeune Oliver qui restera dans les mémoires, et la révélation des véritables intentions de Laura. 
Exploration du phénomène de deuil et véritable film de genre, Substitution n’a pourtant rien d’avenant. Tournant le dos à toute trace d’humour ou l’usage des habituels jumpscares, il laisse ses protagonistes à leur sort et nous place en observateurs presque cliniques des évènements inéluctables et dramatiques qui vont se jouer sous nos yeux. 
En refusant toute explication trop évidente (pas de secte ou de sorcière en vue) et en déroulant son intrigue autour de symboles récurrents, (l’eau, le cercle), le film nous laisse seuls au milieu de cette famille artificiellement recomposée et pourtant en pleine déliquescence, accentuant d’autant le sentiment de malaise mais confiant en notre capacité d’en tirer le meilleur parti possible.

lundi 21 juillet 2025

F1

Ancré dans la grande tradition des films sportifs, F1 en emprunte deux de ses stéréotypes les plus connus. Le Rookie, tête brûlée incroyablement douée mais dont l’inexpérience n’a d’égale que l’arrogance de sa jeunesse, et le Maverick indépendant et non conformiste, star déchue sur le retour en quête d’une hypothétique rédemption. Rien de bien neuf donc, mais comme la dit l’adage c’est dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes et en cela F1 ne déroge pas à la règle. 
En soulignant le parallèle entre l’esprit d’équipe nécessaire au sein d’une écurie de Formule 1 et une galerie de personnages parfaitement esquissés faisant corps autour de leurs pilotes stars, le film de Joseph Kosinski alterne les moments de bravoure attendus avec une émotion bien réelle servie par des interprètes incarnés. 
Si la comparaison avec son précédent To Gun : Maverick est inévitable, et les films entretiennent en effet des thématiques communes, on pourra préférer à la droiture d’un Tom Cruise toujours impeccable le visage fatigué de Brad Pitt qui, s’il occupe indéniablement l’écran à chaque apparition, laisse suffisamment de champ libre à ses partenaires pour bâtir avec eux un divertissement de haute volée. 
Les séquences de courses filmées en caméras embarquées ou en plans larges sont suffisamment spectaculaires pour maintenir une tension constante, cela malgré le caractère un peu trop mécanique d’une intrigue qui avance sur rythme prévisible (défaite, victoire, défaite, victoire, défaite pour mieux accéder à la victoire). 
A la fois spectaculaire et intimiste, F1 nous promène à travers le monde sur les traces des plus grands circuits, nous fait entrer dans le quotidien d’une écurie de haut niveau et nous convie même à des séquences tour à tour émouvantes ou franchement drôles au rythme d’une course à la victoire (sur les autres mais aussi sur soi-même) qui ne nous lâchera pas avant le dénouement final. 
On peut trouver la carrosserie trop clinquante, il n’en reste pas moins un moteur qui rugit à chaque accélération pour notre plus grand plaisir.

samedi 12 juillet 2025

Rapaces

Le personnage du journaliste est, au même titre que le policier, une figure récurrente des intrigues centrées sur une enquête. Mais quand on pense investigation on se projette davantage sur les grands reporters que sur les paparazzis ou les salariés des journaux racoleurs comme Détective.

En adoptant ce point de vue atypique, le réalisateur Peter Dourountzis fait le pari de nous immerger dans des territoires jusque-là peu explorés, celui des rédactions que certains qualifieront de seconde zone, et le monde des cibistes gangrené par des mouvances masculinistes bien peu fréquentables.

Le meurtre sauvage d’une jeune fille dans l’Est de la France est le point de départ d’une enquête qui ne dit pas son nom pour Samuel et sa fille Ava, le reporter aguerri qui passe à coté de sa vie et la jeune stagiaire qui cherche à se rapprocher de son père. Efficace dans la peinture de cette équipe de journalistes complétée par Christian, Solveig et Aubin (les toujours excellents Jean-Pierre Darroussin, Valérie Donzelli et Stephan Crepon), le film prend rapidement des allures de road-movie et embrasse tous les genres sans arriver à consolider le tout.

On passe ainsi des turpitudes amoureuses de Samuel à ses relations avec sa fille, d’une enquête policière sur les traces des assassins au monde des cibistes, et du quotidien d’un journal à la découverte d’une groupuscule d’extrême droite. 

Traversé de séquence vraiment réussies, la scène du restaurant et du piège qui se referme peu à peu sur Ava et Christian fait monter la tension de manière diablement efficace, le film de Peter Dourountzis se résume parfois à une série de vignettes aboutissant à un final rapidement expédié. 

Si tous les personnages sont crédibles et bien servis par une distribution exemplaire, le choix de Mallory Wanecque pour incarner Ava s’avère le moins convaincant et dessert les relations qui auraient pu se nouer entre ce père et sa fille à la recherche l’un de l’autre. 

Atypique dans sa volonté d’explorer des milieux interlopes et pétri de bonnes intentions, Rapaces lorgne du coté de la Nuit du 12 sans parvenir à égaler sa dimension universelle. Il n’en reste pas moins un thriller solide qui présage du meilleur pour la suite.

dimanche 6 juillet 2025

The Ugly Stepsister

Il était une fois. En prenant comme matériau de base le conte de fée, en l’occurrence Cendrillon, pour, non pas le dévoyer, car ces histoires enfantines transmises de générations en générations comportent déjà en leur sein leur lot de perversions, mais en pousser les curseurs à fond, la réalisatrice norvégienne Emilie Blichfeldt s’offre par la même occasion une critique à boulet rouge des diktats de la beauté à tout prix et une comédie bien barrée nourrie d’influences revendiquées. 
Et les clins d’œil pullulent dans ce body horror dont le genre redevient à la mode depuis The Substance de Coralie Fargeat. 
La plus évidente est bien entendu David Cronenberg à qui Emilie Blichfeldt paie son tribut en nommant l’un des invités au bal du prince du même patronyme et en revêtant le chirurgien et de ses infirmières d’uniformes qui renvoient directement à celui des jumeaux de Faux Semblants. 
En affichant une fascination morbide pour les sécrétions corporelles dans tout ce qu’elles ont de plus crues (du sperme d’un prétendant au pue d’un bouton percé) et les mutilations les plus variées (le calvaire psychologique enduré par la belle Agnès est une promenade de santé par rapport au chemin de croix physique supporté par Elvira), la réalisatrice fait preuve d’une radicalité implacable envers ses personnages tous plus tordus ou dépravés les uns que les autres. 
Volontairement outrancier mais jamais gratuit, The Ugly Stepsister déboule sur nos écrans comme une boule puante lâchée en pleine réception mondaine à la manière d’un Shrek sous amphétamine, malaisant, provocateur, excessif mais jubilatoire.