C’est l’histoire d’un âne qui, au fil de ses rencontres, fait l’expérience de la bonté et de la cruauté du monde. C’est tout ? C’est tout.
Prix du jury au festival de Cannes, salué de façon quasi unanime par la critique et annoncé comme une expérience de cinéma jusque là inédite, le dernier long métrage du réalisateur polonais Jerzy Skolimowski avait tout pour susciter l’enthousiasme. Passé les vingt premières minutes, on réalise alors que le film va être long et on se surprend à laisser son esprit vagabonder vers d’autres contrées.
La première déconvenue vient de la manière dont le metteur en scène aborde son sujet. Rarement filmé du point de vue de l’âne comme le laisse entendre de nombreux observateurs surement distraits, Jerzy Skolimowski multiplie les scènes dites oniriques avec des procédés déjà vus mille fois. Filtres rouges, musique assourdissante, image inversée, chutes d’eau filmées à l’envers, l’expérience sensitive promise tourne vite cours pour laisser place à des plans formellement très beaux mais cousus de fil blanc.
Quant à l’histoire, elle déroule un ensemble de vignettes que l’on pourrait résumer par EO au cirque, EO et les loups, EO en route vers l’abattoir, EO au match de foot et cela jusqu’à un final visant à enfoncer le clou de la maltraitance animale.
Si l’on peut voir dans les séquences éparses balisant le voyage de l’âne au regard si doux une représentation de tous les travers de l’âme humaine, de la cruauté à l’endoctrinement en passant par le vice et la luxure (comment expliquer sinon la scène cryptique entre Lorenzo Zurzolo et Isabelle Huppert ?), on ne peux s’empêcher de trouver le procédé un peu grossier lorsque le réalisateur oppose la société bruyante et violente (la décharge de ferraille, l’arbre abattu, les supporters) au calme contemplatif de l’âne (les gros plans sur les fourmis, le hibou, la forêt).
On peut trouver EO d’une sincérité maladroite dans son hymne à la nature ou sa manière faussement révolutionnaire de projeter le spectateur dans l’univers chaotique de son âne, mais y voir la proposition cinématographique la plus innovante de l’année tient tout simplement de la supercherie intellectuelle.
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