Il n’existe pas d’exercice plus périlleux que la reprise d’une série mythique après la mort de son créateur. Écartelé entre nécessaire devoir de mémoire et désir d’émancipation artistique, coincé entre un cahier des charges écrasant et l’attente d’un renouveau salvateur, l’entreprise se révèle souvent décevante et aligne plus d’échecs que de franches réussites.
La rencontre entre Bastien Vivès, l’un des dessinateurs les plus doués et clivant de sa génération, et le personnage culte d’Hugo Pratt avait de quoi intriguer et c’est avec une curiosité un peu inquiète que l’on se plonge dans cet Océan Noir. Et dés les premières cases l’évidence saute aux yeux.
Sans parler d’héritage ou de lignée, Bastien Vivès, épaulé par le scénariste et historien Martin Quenehen, est sans conteste l’homme de la situation pour prolonger les aventures au long court de l’aventurier maltais. Sobre et encore plus soigné que d’habitude, son travail sur le noir et blanc offre un parfait écrin à un Corto résolument rajeuni mais toujours aussi faussement désinvolte, plus accessible aussi et plus marin que jamais.
Loin des délires mystiques du dernier album d’Hugo Pratt, les auteurs nous embarquent dans une chasse au trésor propice aux rencontres de ses vieux démons (Raspoutine là où on ne l’attend pas) et d’une galerie de personnages hauts en couleurs parmi lesquels Freya tient une place particulière. Figure plus proche de l’univers de Bastien Vivès que de Pratt, Freya véhicule avec elle cet érotisme discret qui caractéristique les traits du dessinateur et nous donne enfin l’occasion de voir Corto batifoler et côtoyer une femme dans le plus simple appareil.
Érudit, élégant et follement enthousiasmant, Océan Noir s’inscrit dans les pas d’Hugo Pratt pour parcourir un monde qui n’a pas fini de nous surprendre en compagnie du dernier aventurier encore digne de ce nom.
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