Manchester by the sea c’est avant tout l’histoire d’un incendie. Un feu qui dévaste des vies entières et qui brûle de l’intérieur un homme désormais incapable d’éprouver le moindre sentiment.
Cet homme, Lee Chandler ne peut plus afficher ce masque de sociabilité qui nous permet de discuter avec le premier venu, de partager sa nuit avec une inconnue croisée dans un bar ou de supporter le regard chargé de reproche d’une communauté qui se fait juge malgré elle. Alors il part et se réfugie dans un travail alimentaire, se cloitre dans un mutisme seulement fissuré par des accès des violences incontrôlables et une douleur tellement intense qu’elle ne s’exprime plus par des mots. Jusqu’à ce qu’une autre disparition le rappelle bien malgré lui vers son passé et le force à prendre ses responsabilités.
Outre son impeccable interprétation et sa direction d’acteur au cordeau, la principale qualité de Manchester by the sea réside dans le temps que prend le réalisateur pour développer son histoire. Loin de la frénésie de la plupart des productions actuelles, Kenneth Lonergan cale son récit sur les paysages enneigés du Massachusetts, les corps fatigués et les visages fouettés par le vent du marge de ses protagonistes chahutés par une vie de labeur.
Tour à tour dramatique et mélancolique, poignant et taciturne, le film impose peu à peu son rythme et déroule une histoire à hauteur d’homme, sans pathos inutile ni héroïsme grandiloquent, et surtout sans porter de jugement sur ses personnages. Par petites touches et autant de scène mémorables (le malaise palpable lorsque Lee arrive dans l’hôpital où se trouve hospitalisé son frère, les trois petits cadres qui l’accompagnent dans ses déménagements, le face à face de Lee et Randi lorsque le silence fait place à un déferlement d’émotions), le réalisateur dresse le portrait d’un homme ravagé par son passé, d’une communauté ouvrière traumatisée par un drame absurde et nous fait ressentir avec acuité le poids du temps qui passe et qui n’efface rien.
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