Sand Creek le 29 novembre 1864. Une unité de 500 hommes de la cavalerie du Colorado attaque et massacre les 700 habitants d’un village cheyenne, pour la plupart des femmes et des enfants.
C’est cette histoire atroce que relate le film de Ralph Nelson. Un film coup de poing, magnifique et poignant, un western humaniste qui préfigure bien des années plus tard Danse avec les Loups de Kevin Costner.
Soldat bleu débute par le voyage de Kathy Maribel Lee, une jeune femme new yorkaise ayant passé deux ans parmi les cheyennes. Elle rejoint son fiancé escortée par des soldats qui transportent une cargaison d’or. Le convoi est attaqué par des indiens qui massacrent tout le monde, excepté la jeune femme et Honus Gent, un soldat novice.
Commence alors un long périple à pied à travers une nature sauvage pour les deux survivants qui apprennent à se connaitre, à surmonter leurs différences et finalement à s’aimer. Alors qu’ils rejoignent la civilisation, lui dans le camp des soldats et elle dans la tribu cheyenne, le détachement de cavalerie s’apprête à fondre sur le village.
L’attaque du convoi par les indiens est expliquée, mais non moins excusable, par la nécessité pour eux de se procurer de l’or afin d’acheter des fusils pour se protéger des hommes blancs. Douloureux paradoxe et situation imbécile que la présence et l’attitude belliqueuse des colons imposent aux natifs de cette terre qui deviendra les Etats Unis d’Amérique.
Ralph Nelson signe avec Soldat bleu un film à multiples facettes. Le voyage du jeune soldat et de cette femme hors norme est émaillé de scènes de comédie dues à leurs différences culturelles et idéologiques. Leur rencontre avec un trafiquant d’arme donne lieu à une chasse à l’homme haletante et si nous sommes bien dans un western comme en témoignent les scènes de fusillades et la somptueuse nature dans laquelle évoluent les protagonistes, c’est avant tout l’aspect humain, et parfois inhumain des personnages qui est au centre du film.
Au fur et à mesure qu’ils progressent, l’homme et la femme perdent peu à peu leurs vêtements qui tombent en lambeaux, déchirés par les ronces. La désagrégation de l’uniforme d’Honus Gent va de pair avec sa prise de conscience du rôle de l’armée américaine dans l’annexion de territoires qui ne sont pas les leurs. Ses idées préconçues partent petit à petit en morceaux au contact de Katy Maribel Lee et de ses idées humanistes. De son coté, alors qu’elle perd peu à peu ses atours de femme civilisée, c’est un érotisme sauvage qui émane du personnage magistralement interprété par la belle Candice Bergen. Elle campe une femme déchirée entre son fiancé qui est un étranger pour elle, et ce jeune soldat dont la conscience s’éveille peu à peu. Déchirée aussi entre sa condition de femme blanche et cette tribu cheyenne dont elle partage les valeurs mais dont elle sera à jamais étrangère.
Il y a un coté rousseauiste dans cette traversée d’une nature flamboyante où ces deux êtres cheminent cote à cote et s’aiment sans contrainte. Le retour à la civilisation marque la fin de ce beau et dangereux voyage, et le commencement du cauchemar.
L’attaque du village est l’une des scènes les plus marquantes, douloureuses et sauvages qu’il soit donné de voir. Mené par un colonel irresponsable, les soldats déchainent sur les femmes et les enfants une sauvagerie que seule la guerre, sans règle ni morale, peut permettre. L’image du drapeau américain piétiné par un cheval résume d’ailleurs tout à fait cette négation de toute valeur humaine.
Ralph Nelson réalise de main de maitre une séquence où l’on retrouve la maitrise d’un Sam Pekimpa et la démence des films d’horreur italiens. Il ne nous épargne rien et déroule pendant de longues minutes des scènes de décapitations, de viols, de mutilations en tout genre qui matérialisent tout ce que l’homme, en groupe et livré à lui-même, peu faire de pire à ses semblables. Sans aucune complaisance mais avec une maitrise totale de ce qu’il filme, le réalisateur nous jette au visage toute l’horreur de la guerre, de toutes les guerres et en particulier du sort qui fut réservé aux indiens d’Amériques.
Alors que le générique de fin retentit, toute la salle est silencieuse. Pendant quelques secondes, personne ne bouge, comme assommé par la puissance de ce film qui est surement l’un des plus beaux westerns jamais réalisé.
1 commentaire:
Je viens de voir le 5 février 2010 Buffy Sainte-Marie en concert à l'AB de BXL de quoi avoir envie de revoir ce film ...
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