jeudi 31 décembre 2009

Esther

Le pitch d’Esther repose sur un principe aussi simple qu’efficace. Une famille est menacée par un élément extérieur mais également très proche, en l’occurrence une enfant adoptée.
En mêlant les thèmes des enfants tueurs et du noyau familial progressivement détruit de l’intérieur, le réalisateur Jaume Collet Serra met toutes les chances de son coté pour obtenir une intrigue solide qui tienne en haleine le spectateur. C’est nécessaire pour aboutir à une histoire réussie, mais pas suffisant. Et en effet, la réussite d’Esther tient tout autant à une solide interprétation de l’ensemble du casting qu’à une réalisation qui donne aux personnages le temps d’exister.
Le film s’ouvre sur une scène d’accouchement onirique assez éprouvante qui matérialise les traumas de Kate, une jeune mère de famille qui vient de perdre son troisième enfant, mort né. Ce traumatisme n’est pas le seul puisque l’on découvre que ses penchants pour l’alcool ont failli causer la perte de sa jeune fille sourde muette. Avec John son mari, ils décident d’adopter un enfant pour combler un vide difficile à supporter. Dans un orphelinat, ils font la rencontre d’Esther, une fille russe de neuf ans et décident de l’accueillir chez eux. Le cauchemar commence.
Il est assez rare que des films reposant sur des rebondissements de plus en plus dramatiques prennent le temps de présenter les personnages principaux de façon crédible. C’est le grand mérite du film que de nous faire connaitre cette famille et les différents membres qui la composent, chacun ayant un traumatisme psychologique ou physique plus ou moins important et plus ou moins assumé.
Des personnages bien écrits et tout aussi bien interprétés sont la clef de voute d’une histoire réussie, le réalisateur le sait et prend le pari de nous convier à des scènes d’échanges non verbaux entre Kate et sa fille sourde muette. Le langage des signes instaure entre elles une complicité réelle et le fait que le spectateur n’en fasse pas parti renforce ce sentiment. C’était un pari osé dans un film que l’on pourrait penser plus formaté. De même, les échanges entre Kate et son mari sont constamment justes et le jeu de Vera Farmiga aussi crédible en mère qu’en femme ou en alcoolique (difficilement) repentie, impose à son personnage une épaisseur indispensable pour ancrer l’histoire dans une réalité crédible. La jeune Isabelle Furhman n’est pas en reste, imposant d’emblé sa beauté étrange au service d’un personnage trouble et inquiétant.
Au fur et à mesure que la tension se fait palpable et que l’histoire avance, les rebondissements se succèdent de plus en plus rapidement et forcement de manière assez attendue. On pourra trouver que Jaume Collet Serra use et abuse des effets de caméras les plus classiques dans les films d’épouvante. Caméra subjective fixée sur la nuque des protagonistes, effets de reflet dans les miroirs, porte vitrée de pharmacie qui se referme et laisse apparaitre un visage (ou pas !), le réalisateur connait tous les tours pour faire sursauter le spectateur ou créer une tension grandissante. Cela pourrait être répétitif ou abusif s’il ne les utilisait pas intelligemment, prenant souvent le spectateur à contrepied en faisant déboucher son effet sur… rien. Le plus gênant est surement la bande son qui, du même coup, impose des coups de violon soudain aux moments les plus oppressants, comme pour mieux souligner la tension de la scène.
Ceci mis à part, le personnage d’Esther, la déliquescence progressive de la famille Coleman et la révélation finale donne à ce film une dimension qui le différencie des multiples slashers produits ces deniers temps. Le point d’orgue est atteint dans une scène vénéneuse fleurant avec l’inceste lorsque Esther, maquillée outrageusement et vêtue d’une robe de soirée tente de séduite son père d’adoption.
Si le final du film n’échappe pas à la règle des rebondissements multiples et surement trop attendus, Esther reste un film réussi, réalisé par un cinéaste qui s’intéresse à ses personnages et qui leur donne toute l’opportunité d’exister pour notre plus grande satisfaction.

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