mercredi 16 décembre 2015

Suburra

La mafia qui agrège pouvoir, violence et corruption demeure une source inépuisable d’inspiration pour les romanciers et les cinéastes. Et l’Italie reste, après l’Amérique, son cadre naturel et le berceau qui l’a vu naitre. C’est donc à Rome que se déroule l’intrigue, ou devrait-on dire les multiples intrigues de ce film choral qui multiplie les arcs narratifs sans jamais perdre le spectateur en route. 
Et c’est bien là que réside l’une des forces principales du film, cette capacité scénaristique à caractériser chaque personnage, et il y en a beaucoup, couplé avec un choix d’acteurs pertinent. Ceci est d’ailleurs particulièrement vrai pour les deux personnages féminins qui prennent une place de plus en plus importante dans l’histoire et ne sont jamais cantonnés aux caricatures habituelles (la petite amie junkie, la prostituée de luxe). 
Suburra met en scène une multitude de protagonistes qui évoluent dans différentes strates de la société et qui partagent un goût commun pour le pouvoir sous toutes ses formes. Du politicien véreux à l’homme d’église perverti par l’argent, de l’homme de main violent à la pute de luxe, des familles mafieuses du sud du pays aux gangs tziganes, c’est à un véritable voyage dans les strates les moins reluisantes d’Italie que nous convie le réalisateur Stefano Sollima, déjà responsable de l’adaptation en série télévisuelle de Gomorra auquel le film fait parfois penser. Adepte d’une réalisation soignée sans pour autant sombrer dans le maniérisme outrancier, le réalisateur apporte aussi une touche particulière à sa photographie qui propulse le film dans une dimension quasi irréelle. Impression encore soulignée par un chapitrage annonçant l’Apocalypse imminente et une musique aux accents techno pour le coup parfois envahissante. 
Si l’on peut regretter le manque de développement des personnages religieux à peine esquissés, force est de constater que Suburra reste dans la droite ligne des très bons films à la fois politiques (l’implosion du système italien rongé par la corruption), mafieux (les différentes forces en présences qui se disputent les marchés les plus juteux, les grandes familles qui essaient de maintenir un semblant d’ordre pour pouvoir œuvrer en paix) et un bel exemple de film choral (la collusion des différents personnages entre eux). Bien sur les thèmes abordés l’ont déjà été maintes fois. Le conflit des générations avec le jeune tueur qui se rebelle contre l’ordre établi par ses ainés, la victime humiliée qui se venge dans un sursaut de violence, les trahisons et les imbrications de la mafia avec le pouvoir politique et religieux sont des sujets récurrents dès que l’on aborde le film de gangsters. 
La force du réalisateur est d’ancrer son histoire dans une Italie très contemporaine aux accents on ne peut plus réalistes et une fois encore de rendre lisible et passionnante une histoire aux multiples ramifications. Ne reculant devant aucune violence (les passages à tabac et les meurtres, la prostitution de mineures ou les humiliations subies par les plus faibles), Stefano Sollima nous livre un film tendu, noir et au final passionnant.

Aucun commentaire: