Après la mort de sa femme suite à un cancer et de son meilleur ami assassiné par une bande de jeunes délinquants qui le martyrisaient, Harry Brown vit muré dans la peur.
Ce vieil homme qui habite une banlieue de Londres regarde par sa fenêtre les jeunes dealer de la drogue en bas de chez lui. Il n’ose pas emprunter le souterrain qui traverse la route, quitte à faire un détour pour ne pas se confronter aux gangs qui font la loi dans son quartier.
Il vit dans une peur permanente qui l’enferme dans une prison invisible plus hermétique qu’un quartier de haute sécurité.
Quand il apprend que les agresseurs de son ami risquent d’être relaxés, l’ancien marine qui a combattu en Irlande du Nord décide de réagir. Le soldat qu’il était prend le dessus. Il est seul et n’a plus rien à perdre que la vie. Une vie qui n’a plus aucun sens s’il doit vieillir caché dans son appartement. Harry Brown prend les armes et le pouvoir et la peur vont alors changer de camp.
Partant de ce principe, Harry Brown aurait pu être un film de vigilante de plus, mettant en scène un citoyen ordinaire décidant de se faire justice lui-même devant l’impuissance de la police à faire régner l’ordre. Ce serait sans compter un contexte social fort qui donne au film une dimension inattendue.
Le réalisateur refuse de tomber dans le piège de la violence facile et graphique. Le meurtre du vieillard ami d’Harry Brown ne nous sera montré que tard, par le biais de photos et d’un film sur un téléphone portable. Le déferlement de violence qui suit n’est pas spectaculaire mais sec et crédible, filmé sans complaisance.
Le personnage magistralement porté par Michael Caine n’est pas un justicier indestructible qui part en guerre contre le crime sous toutes ses formes mais un vieil homme coriace qui décide de nettoyer les rues où il vit comme il enlèverait les mauvaises herbes de son jardin. Alors qu’il élimine froidement deux dealers, Harry Brown prend des risques pour emmener à l’hôpital une junky camée jusqu’à l’os.
Pas de manichéisme donc, mais un constat social impitoyable. Celui d’une société gangrénée par une jeunesse à la dérive qui sombre dans la grande délinquance, d’une police incapable d’assurer son rôle de défenseur de l’ordre public.
Quand il se souvient de ses années passées dans l’armée, Harry Brown est lucide. Il combattait des gens qui se battaient pour un idéal. Aujourd’hui, il se dresse contre des jeunes qui tuent par jeu, pour se prouver qu’ils existent au sein d’une société qui ne veut pas d’eux.
Le film pose plus de question qu’il n’apporte de réponse. Preuve en est cette réplique de l’inspectrice Frampton qui lui demande comment tout cela finira t’il ? La vraie question ne serait elle pas plutôt comment tout cela a-t-il commencé ?
Le film alterne des moments de calme et de tempête avec des morceaux de bravoure comme l’incursion d’Harry Brown dans l’antre des trafiquants de drogue et sa confrontation avec Sid interprété par un Liam Cunningham hallucinant.
La scène finale qui met en scène cinq protagonistes dans un bar alors que la rue est proie à des manifestations digne d’une guerre civile rappelle les duels des meilleurs westerns. La tension est constante et l’occupation de l’espace par les différents protagonistes, la réalisation en huit clos est un modèle du genre.
Harry Brown ne tombe pas dans le piège d’une morale douteuse servie par une violence trop spectaculaire pour être honnête, comme c’est parfois le cas dans nombre de film traitant du même sujet.
Pas de vengeance aux accents bibliques ni de nettoyage des rues à l’arme lourde, seulement le sursaut d’un vieil homme fatigué de ne pas pouvoir sortir librement de chez lui, et la peinture sans concession d’une société malade de ses propres maux qui engendre des enfants qui se retourne contre elle.
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