La sortie de La vida loca suit de peu la tragique disparition de son réalisateur Christian Poveda tué par balles au Salvador le 2 septembre 2009. Nul doute que l’attrait suscité par le film et son impact ne s’en trouvent décuplés.
Il est alors difficile de dissocier les deux évènements et de regarder ce documentaire avec la neutralité qui devrait être de mise pour juger de son intérêt tant le prix qu’a payé son réalisateur est fort.
Christian Poveda nous propose de suivre le quotidien de certains membres de la bandilla 18, l’une des maras qui sévit au Salvador, sur le model des gangs nord américains. Ils sont pour la plupart jeunes, voire très jeunes, sans attache familiale, désœuvrés et pauvres. La mara à laquelle ils appartiennent et dont ils abordent les tatouages sur le corps et le visage leur tient lieu de famille, de cadre social et de raison de vivre. Le quotidien de ces jeunes hommes et femmes est rythmé, comme le film d’ailleurs, par les enterrements de ceux qui sont tombés sous les balles des gangs adverses.
Le réalisateur s’attache à quelques personnages que nous suivons durant des mois. Le passage devant le juge, une opération chirurgicale, les descentes de police, les enterrements, le spectateur passe de l’un à l’autre et découvre des tranches de vie.
Pour traiter son sujet, Christian Poveda choisit clairement l’immersion plutôt que l’investigation. Si ses portraits sont en effets crachant de vérité, dans les moments de joie comme de douleur, il ne fait aucun pas vers une quelconque analyse critique de la situation qu’il nous décrit. Le rôle de la police est ambigu, entre harcèlement et maintien de l’ordre. L’épisode de la boulangerie n’est pas très clair et l’on ne saura jamais si c’était une tentative de réinsertion ou une couverture. Les faits nous sont exposés de façon brute et avec trop peu d’éléments pour que nous puissions avoir une opinion critique sur ce que nous voyons.
Enfin, et c’est plus gênant, les membres de la bandilla 18 nous apparaissent au final plutôt sympathiques à force de partager durant une heure trente leur quotidien et leurs détresses. C’est un peu vite oublier que si la plupart sont les victimes d’un système pervers (absence d’autorité parentale, de valeurs morales et grande pauvreté alors que les maras leurs proposent un cadre, un sentiment d’appartenance et de l’argent facile), ces gangs font subir quotidiennement leurs violences et leurs exactions à la majorité des habitants du pays.
Il est donc dommage que face à un projet aussi passionnant et en ayant réussi se faire accepter et presque oublier par ces jeunes, Christian Poveda ne réalise pas un vrai documentaire d’investigation en prenant un peu plus de hauteur par rapport à son sujet. Seule la dernière scène qui nous laisse deviner un perpétuel recommencement apporte une dimension tragique supplémentaire à une situation qui l’est déjà beaucoup.
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