dimanche 9 février 2025

5 septembre

La fabrique de l’information. 
A partir d’un fait divers archiconnu, la prise d’otages des athlètes israéliens par un commando de terroristes palestiniens lors des Jeux Olympiques de Munich en 1972 et son issue tragique, le réalisateur Tim Fehlbaum nous propose de suivre les évènements en temps réels depuis un studio de télévision à quelques centaines de mètres des lieux du drame, décortiquant ainsi la façon dont le producteur Geoff va présenter les faits à des millions de téléspectateurs. 
Car outre le rappel douloureux de l’un des épisodes les plus marquants du conflit israélo-palestinien et une mise en perspective pertinente (le fait que le drame se déroule dans une Allemagne encore traumatisée par les atrocités de la Seconde Guerre Mondiale est essentiel dans la compréhension du déroulé des évènements), 5 septembre nous invite dans les coulisses de la fabrication de l’information et de la manière de s’en faire écho sans tomber dans le sensationnalisme ni dans le voyeurisme. 
Bati presque essentiellement sur son montage sec et nerveux, à l’image des reportages réalisés en temps réel par l’équipe du directeur de télévision Roone Arledge, le film de Tim Fehlbaum nous embarque dans un thriller haletant, d’autant plus surprenant que l’on connait l’issu du drame, dans les pas de journalistes, caméramen et preneurs de son spectateurs et témoins d’une série d’évènements qui vont tenir en haleine le monde entier. 
Suffisamment ramassé sur une durée d’une heure trente cinq et porté par un casting crédible de bout en bout, 5 septembre se double d’une réflexion bienvenue sur la responsabilité éditoriale et la manière de présenter et recevoir une information. 
Un sujet plus que jamais d’actualité à l’heure de la mondialisation et des combats permanents pour préserver l’intégrité des groupes de presse.  

samedi 1 février 2025

babygirl

La scène d’ouverture de Babygirl donne le ton du film. Un couple fait l’amour, la femme feint un orgasme rapidement expédié pour mieux s’isoler devant un porno et se masturber toute seule. 
Car derrière la carrière de Romy, femme puissante et intelligente arrivée à la tête d’une entreprise de robotique new-yorkaise à force de courage et d’abnégation, se cache une vie trop rangée entre un mari metteur en scène débordé et deux enfants engoncés dans leurs archétypes de fille modèle et de fille hors norme. Le parfait modèle familial américain qui ne demande qu’à exploser sous le poids des conventions. 
L’irruption d’un stagiaire entreprenant va obliger Romy à prendre conscience de cette mascarade tout en réveillant en elle des désirs qu’elle pensait oubliés à jamais. 
Et c’est bien de désirs féminins dont il est question ici, désirs le plus souvent ignorés ou inassouvis, relégués au second plan d’une vie où les conventions prennent le pas sur une sexualité que l’on rêverait plus libre. Alors que la vie de Romy n’est que luxe et volupté, la séquence où tout bascule avec Samuel se déroule dans une chambre d’hôtel miteuse, projection inconsciente de ses désirs jugés trop déviants pour être exposés au grand jour. 
Loin de tomber dans les méandres d’un énième thriller sulfureux avec manipulation et chantage à la clef, la réalisatrice Halina Reijn filme au contraire ses personnages avec une bienveillance d’abord suspect, on se demande à quel moment Samuel ou Romy vont dévoiler leur véritable personnalité et précipiter le drame, avant de comprendre que rien de tel se va se passer. Babygirl est d’abord et avant tout le portrait d’une femme qui a trop longtemps ignoré ses pulsions et qui, arrivée au sommet du pouvoir, assume enfin sa propre sexualité. 
Si le film aurait gagné en audace, la mise en danger de Nicole Kidman reste tout de même très relative et moins spectaculaire que la mise en abime de Demi Moore dans The substance, sans compter que les scènes de sexe demeurent assez soft pour un film qui entend prendre le sujet du désir féminin à bras le corps, Babygirl n’en reste pas moins un essai courageux et trop rare sur un thème encore largement sous-exploité.